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Difficultés financières des entreprises de maçonnerie : solutions de prévention et de redressement
Date de publication : 16.12.24
En 2024, le secteur de la construction en France traverse une période de déclin généralisé, avec une baisse de 23,4 % des autorisations de logements. Ce constat reflète des vulnérabilités structurelles amplifiées par des facteurs économiques tels que l’inflation, la hausse des coûts des matières premières et les tensions sur le marché du travail.
Les entreprises de maçonnerie générale et du gros œuvre de bâtiment souffrent particulièrement. Leur activité, fortement dépendante des cycles économiques et des politiques publiques de construction, est mise à rude épreuve. Cet article examine les principales causes des difficultés financières dans ce secteur et propose des solutions pour prévenir les difficultés et permettre un redressement durable.
Cette étude menée en décembre 2024 par In Extenso, leader français de l’expertise comptable, et Atometrics, spécialiste de l’analyse de données économiques, s’appuie sur des bases de données publiques pour déterminer l’évolution des défaillances d’entreprises sur la période de janvier à novembre 2024. Ce baromètre trimestriel fournit des éclairages par régions et secteurs d’activité.
Défaillances en France
En 2019, avant la crise sanitaire, 72 000 établissements avaient fait faillite sur un an, tous secteurs confondus. Ce chiffre est tombé à 42 000 en 2021. Depuis le début de l’année, on dénombre 95 471 défaillances d’établissements, soit une augmentation de 17% par rapport à 2023. L’hébergement et la restauration, d’une part, et la construction, d’autre part, sont les secteurs d’activité les plus en difficulté avec des taux de défaillances respectifs de 4,8% et 4,7%.
Focus sur le secteur de la maçonnerie générale et gros œuvre de bâtiment
Les défaillances des acteurs de travaux de maçonnerie générale et gros œuvre de bâtiment (Code NAF/APE : 43.99C), qui ont augmenté de façon continue en 2022 et 2023, poursuivent leur hausse en 2024. Le pic historique de 2015 a été franchi dans le courant de l’année.
Les principales causes des difficultés financières dans la maçonnerie
La baisse de la demande
La crise immobilière a entraîné une baisse significative des mises en chantier de logements neufs. Cette chute est notamment liée à la hausse des taux d’intérêt et à la diminution du pouvoir d’achat des ménages, réorientant les investissements vers la rénovation, moins lucrative pour les entreprises du gros œuvre. Par ailleurs, depuis la pandémie, les consommateurs privilégient davantage les rénovations éco-responsables et les projets plus complexes, impliquant de nouvelles compétences et méthodes des prestataires.
La fluctuation des coûts des matériaux
L’inflation marquée des dernières années a entraîné une hausse importante des coûts de construction, avec une augmentation de 16,5 % entre février 2020 et mai 2023, principalement due à la flambée des prix des matériaux et de l’énergie. Bien que cette inflation se soit stabilisée, les coûts demeurent élevés, affectant la rentabilité des projets immobiliers. Selon l’INSEE, l’indice BT01, qui suit l’évolution des coûts de construction, est passé de 111,6 en février 2020 à 130,7 en mai 2024, enregistrant une hausse de 17,4 %.
La pénurie de main-d’œuvre
Le secteur de la construction souffre d’une pénurie chronique de main-d’œuvre qualifiée. Selon la Fédération française du bâtiment (FFB), plus de 100 000 postes restent non pourvus en 2024. Ce déficit est aggravé par le vieillissement de la population active et un manque d’attrait pour les métiers manuels chez les jeunes générations. D’après l’enquête annuelle « Besoins en main-d’œuvre » réalisée par Pôle Emploi en 2023, 74 % des recrutements dans le secteur étaient jugés difficiles par les employeurs, une situation qui touche notamment les maçons.
La situation du second œuvre
Si le gros œuvre est particulièrement exposé, le second œuvre (plâtrerie, menuiserie, revêtement sols et murs, peinture et vitrerie) n’échappe pas aux difficultés, enregistrant une augmentation de 23% des défaillances en 2024. Cette tendance souligne une fragilité généralisée de la filière construction.
Conséquences : une hausse des redressements et liquidations judiciaires
Les entreprises de maçonnerie sont confrontées à des défis majeurs liés à la hausse des coûts, au manque de personnel et à un marché en mutation. Des flux de trésorerie plus faibles ne permettent plus de faire face aux obligations financières : salaires et charges de personnel, fournisseurs, loyer, coût des matériaux, remboursement d’emprunt. Nombre d’entreprises se retrouvent ainsi en état de cessation des paiements, synonyme d’une ouverture de procédure collective : redressement judiciaire ou liquidation judiciaire.
Le taux de défaillance dans le secteur des travaux de maçonnerie générale et gros œuvre de bâtiment s’établit à 6,7% à fin novembre, soit 5 points de plus que la moyenne française tous secteurs confondus (1,6%). Les situations en régions sont néanmoins disparates avec des taux allant de 9,2% en Île-de-France à 4,6% en Corse.
Quelles solutions pour le redressement des entreprises du secteur ?
Malgré ce contexte difficile, des actions peuvent permettre aux entreprises en difficulté de redresser la barre et d’éviter l’arrêt de leur activité.
1. L’optimisation des coûts, des ressources et de la trésorerie
La gestion administrative et financière fournit des leviers importants pour améliorer la profitabilité et la trésorerie des entreprises du bâtiment.
L’analyse des marges par chantier
Établir un suivi détaillé des coûts par projet pour identifier les postes de dépenses les plus lourds et mettre en place des actions correctives.
Réduire et optimiser les achats et frais
- Négociation avec les fournisseurs : regrouper les commandes, réduire les coûts de transports,
- Surveiller les consommations d’énergie sur les chantiers : éclairage, chauffage et rendre éco-responsable le personnel,
- Revoir les postes de frais généraux : assurances, frais de représentation, loyers parfois inutiles ou inadaptés.
Organiser et gérer les équipes
- Anticiper et préparer les déplacements chantiers,
- Gérer les périodes de sous-activité par le biais du chômage technique, des prises de congés et des récupérations d’heure,
- Réduire le recours au travail intérimaire.
La gestion proactive de la trésorerie
- Privilégier la facturation progressive (« situation de travaux ») et envisager des solutions de financement court terme, comme l’affacturage, pour pallier les délais de paiement des clients,
- Suivre les stocks : éviter le surstockage qui pèse sur la trésorerie, suivre la consommation sur les chantiers pour éviter le coulage notamment,
- Faire appel aux Commissions départementales des Chefs de services Financiers (CCSF) pour étaler les dettes fiscales et sociales.
L’automatisation des processus comptables
Recourir à des logiciels permettant d’accélérer le traitement des factures et d’améliorer la fiabilité des prévisions budgétaires.
Parallèlement, il est essentiel de respecter la règle fondamentale : facturer rapidement et sans omission, suivre les encaissements clients et éviter les impayés. Bien que cela puisse sembler évident, ce point d’attention est souvent à l’origine de problèmes de trésorerie récurrents.
2. La diversification de l’offre
Face à la baisse de la construction neuve, les entreprises peuvent se tourner vers :
- la rénovation énergétique, encouragée par des dispositifs comme MaPrimeRénov’,
- la restauration de bâtiments historiques, qui nécessite des compétences spécifiques mais offre un marché de niche prometteur,
- les chantiers publics, souvent moins sensibles aux cycles économiques.
Les artisans maçons peuvent se spécialiser dans les méthodes traditionnelles ou adopter des matériaux écologiques pour répondre aux attentes croissantes d’une clientèle soucieuse de l’environnement.
3. L’élargissement des actions commerciales et de communication
Accroître sa visibilité sur le marché et diversifier ses clients et prescripteurs peut passer par plusieurs canaux :
- participer aux appels d’offres publics et privés,
- exploiter le bouche-à-oreille et les recommandations en travaillant ses réseaux locaux,
- collaborer avec des architectes et maîtres d’œuvre,
- être référencé dans des annuaires professionnels et plateformes spécialisées.
À l’heure du digital, difficile de ne pas avoir une présence sur les réseaux sociaux, par exemple en y mettant en avant ses réalisations, ainsi qu’un site internet avec un référencement Google optimisé.
4. L’économie circulaire : une nouvelle filière d’avenir ?
L’économie circulaire offre des opportunités majeures pour réduire les coûts en évitant l’importation et la création de nouveaux matériaux. Elle permet également :
- de se conformer aux exigences environnementales de plus en plus présentes dans les cahiers des charges et les marchés publics,
- d’améliorer son image, son impact social et environnemental et de construire une réelle politique RSE.
En chiffre, le secteur du bâtiment a généré en 2021 environ 46 millions de tonnes de déchets, représentant près de 70 % des déchets produits en France.
Face à cet enjeu, des initiatives fleurissent dans le sens d’une réelle filière dédiée pour intégrer des pratiques de réemploi, de recyclage et de réduction des matériaux. À titre d’exemples :
- La coopérative Reavie collecte et revalorise les matériaux issus de chantiers, tandis que Bellastock, une association, organise des projets collaboratifs pour promouvoir le réemploi de matériaux sur site.
- Des plateformes comme Cycle Up ou Mineka, soutenues par des acteurs de l’ESS, facilitent la mise en réseau entre entreprises pour l’achat et la vente de matériaux réutilisables.
Démantèlement, réhabilitation, restauration, stockage : c’est une filière sérieuse et professionnelle qui se met en place.
Selon le Panorama de l’ESS 2023, ces pratiques ont permis de revaloriser 3,5 millions de tonnes de matériaux, générant 1,2 milliard d’euros d’activité.
En synthèse
Pour faire face aux défis économiques actuels, les entreprises de maçonnerie générale et de gros œuvre du bâtiment doivent combiner des mesures de rationalisation financière avec une capacité à s’adapter aux mutations du marché. En mobilisant des outils modernes de gestion, en diversifiant leurs activités et en adoptant les principes de l’économie circulaire, elles peuvent envisager un redressement durable et compétitif dans un environnement en constante évolution. L’accompagnement des experts-comptables, conjugué à une approche proactive, reste un atout majeur pour traverser cette période d’incertitude.
Un accompagnement sur-mesure pour les dirigeants de TPE et PME
In Extenso accompagne les TPE et PME dans la prévention et le traitement des difficultés. Grâce à leur expertises techniques et sectorielles, les experts-comptables, juristes, avocats et consultants d’In Extenso guident les dirigeants et leur préconisent des solutions adaptées à la situation de leur entreprise.
Notre partenaire Atometrics, spécialiste de la production de données et d’analyse, nous fournit des informations économiques locales précises et actualisées sur les différents secteurs de nos clients TPE et PME.
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