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15 questions réponses sur le contrat de travail des cadres dirigeants
Date de publication : 19.12.24
Les contrats de travail des cadres dirigeants engendrent souvent des problématiques liées à leur statut particulier au sein de l’entreprise. La qualification d’un salarié en tant que cadre dirigeant est souvent source de confusion et de contentieux.
Pour vous aider à y voir plus clair, nous avons ici recensé les questions principales que vous pouvez vous poser sur ce sujet. Nos experts en conseil social, droit du travail et droit des affaires y répondent.
1. Quelle est la définition légale d’un cadre dirigeant selon le droit du travail ?
Le statut de cadre dirigeant repose sur des critères définis à l’article L3111-2 du Code du travail. Un cadre dirigeant doit :
- Assumer des responsabilités impliquant une grande indépendance dans l’organisation de son emploi du temps,
- Être habilité à prendre des décisions de façon largement autonome,
- Percevoir une rémunération parmi les plus élevées de l’entreprise.
- La Cour de cassation ajoute un quatrième critère : la participation à la direction de l’entreprise.
Les cadres dirigeants sont exclus des dispositions relatives à la durée du travail et l’aménagement des horaires, ainsi qu’au repos et aux jours fériés. Les Titres II et III du Livre I de la 3ème partie du Code du travail ne leur sont donc pas applicables.
2. Quelle est la définition légale du statut de salarié pour un cadre dirigeant actionnaire de sa société ?
La définition du cadre dirigeant est identique à celle précédemment décrite.
Cependant un profil de cadre dirigeant détenteur de parts sociales appelle une attention particulière : un salarié associé étant susceptible d’être qualifié de dirigeant de fait (sans avoir été désigné dirigeant au sens mandataire social) va exercer une activité de direction et de gestion en toute indépendance.
Il est donc crucial de vérifier qu’il ne s’agit pas d’un « dirigeant de fait ». Un rescrit auprès de France Travail peut sécuriser cette situation.
3. Un président majoritaire de SAS non rémunéré peut-il avoir un contrat de travail portant sur des fonctions techniques ?
Le cumul est admis sous conditions. Si un mandat social peut être exercé à titre gratuit, le contrat de travail au titre des fonctions techniques doit obligatoirement être rémunéré. Cet emploi effectif suppose que l’ensemble des conditions soient remplies :
- Des fonctions techniques distinctes du mandat
- Un lien de subordination à l’égard de la société
- Le versement d’une rémunération spécifique
- Et l’absence de fraude à la loi.
En synthèse, l’existence d’une double rémunération (mandat social et contrat de travail ) n’est qu’un indice de la réalité du contrat.
4. Un dirigeant actionnaire majoritaire salarié unique assurant les prestations techniques peut-il cumuler contrat de travail et mandat social ?
Le cumul est possible si un lien de subordination est établi. En l’absence de ce lien, le contrat de travail s’efface derrière le mandat social, et le régime applicable est celui des mandataires sociaux. En pratique, plus la société est petite, plus il sera difficile de prouver la réalité du contrat de travail dont le dirigeant serait titulaire. En effet, dans une petite structure, les fonctions techniques relevant du contrat de travail sont souvent « absorbées » par les attributions relevant de l’exercice du mandat social.
5. Quelles précautions prendre dans la rédaction des contrats de travail des cadres dirigeants ?
Il faut :
- Rédiger une clause spécifique précisant qu’ils ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail avec référence ( L.3111-2 Code du travail )
- Soigner les fiches de poste et prévoir des avenants en cas d’évolution,
- Séparer les délégations de pouvoir dans des actes distincts, surtout pour des responsabilités évolutives.
Exemple de clause (à adapter) :
Compte tenu de l’importance de ses responsabilités et de sa participation à la direction de l’entreprise, XXXX a la qualité de cadre dirigeant, relevant de l’article L 3111-2 du Code du travail. Il (elle) n’est donc pas soumis aux dispositions du Code du travail sur la durée du travail, le repos journalier et hebdomadaire et les jours fériés (Code du travail, troisième partie, livre Ier, titres II et III). Il (elle) bénéficiera d’une rémunération mensuelle brute de XXXXX. Cette rémunération est forfaitaire et indépendante du temps passé par XXXX à remplir ses fonctions.
6. Comment rédiger une clause de rémunération variable adaptée à un cadre dirigeant ?
Les règles de ce type de clause doivent respecter les mêmes exigences de fonds (les objectifs doivent rester raisonnables et atteignables) et de forme que celles d’un contrat de travail d’un salarié avec un point d’attention : la clause doit être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’entreprise et ne doit pas faire porter le risque d’entreprise sur le salarié.
7. Les cadres dirigeants sont-ils soumis aux mêmes règles de durée du travail que les autres salariés ?
Non.
Les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée du travail, l’aménagement des horaires, les forfaits jours, ni aux compensations pour le travail de nuit ou les astreintes : les Titres II et III du Livre I de la 3ème partie du Code du travail ne leur sont pas applicables.
8. Quels sont les droits d’un cadre dirigeant en matière de prévoyance et retraite ?
Un cadre dirigeant doit être affilié au contrat collectif prévoyance de l’entreprise, avec les mêmes obligations pour l’employeur qu’un cadre classique ( ANI 17/11/2017 relatif à la prévoyance des cadres).
La seule dénomination de cadre dirigeant ne constitue pas une catégorie objective permettant de les différencier sur un régime de prévoyance. Cependant la classification conventionnelle pourrait fonder une catégorie objective.
Des clauses spécifiques ou accords d’entreprise peuvent améliorer les régimes de fin de carrière et de retraite.
9. Quelles précautions faut-il prendre en matière de protection sociale pour un cadre dirigeant ?
L’entreprise doit garantir un minimum de couverture prévoyance cadre (cotisation 1,5 % de la rémunération inférieure au plafond fixé pour les cotisations de sécurité sociale Tranche 1 dont 0,76% consacré à une garantie décès). Le financement de cette cotisation doit être exclusivement patronal. En l’absence de couverture, l’entreprise devient son propre assureur et peut être tenue de verser une indemnisation conséquente aux ayants droit ( 3 PASS annuel).
10. Un cadre dirigeant peut-il revendiquer des droits sur des créations ou inventions réalisées dans l’entreprise ?
De ce point de vue, la situation des cadres dirigeants est identique à celle de tout autre salarié.
La Loi (article L111-1 du Code de la Propriété Intellectuelle en l’occurrence) pose comme principe qu’une invention appartient à son auteur, donc au salarié.
Mais dans la réalité, c’est le plus souvent l’entreprise qui en devient propriétaire :
- Soit quand il s’agit d’une œuvre collective telle que définie par le Code de la propriété intellectuelle, c’est-à-dire une invention à laquelle ont participé divers auteurs à la demande de leur employeur et avec les moyens matériels mis à disposition par ce dernier, sans qu’il soit possible d’attribuer à chacun des participants un droit distinct sur l’ensemble réalisé,
- Soit quand le contrat de travail de l’inventeur ou du créateur prévoit expressément une clause de cession (totale ou partielle) des droits d’auteur pour tout invention ou création conçue dans le cadre des fonctions exercées au sein de l’entreprise.
11. Quelles sont les spécificités de la clause de non-concurrence pour un cadre dirigeant ?
Cette clause peut être plus restrictive pour un cadre dirigeant (ex. : interdiction de détenir des parts dans une société concurrente). Elle doit néanmoins respecter les conditions classiques : durée limitée, contrepartie financière, périmètre géographique précis.
12. Comment encadrer les responsabilités des cadres dirigeants pour éviter les contentieux ?
Il est essentiel de :
- Bien rédiger les contrats,
- Maintenir des fiches de poste à jour,
- Préciser les responsabilités en cas d’évolution,
- Dans certains secteurs, notamment ceux qui exposent les salariés à un risque d’accident, être très vigilant sur les délégations de pouvoir en matière de sécurité et de respect des normes de sécurité.
Pour les petites entreprises, ce travail est souvent réalisé avec des consultants externes.
13. Comment se préparer à un accord de départ négocié pour un cadre dirigeant ?
Un départ négocié implique souvent de gérer simultanément la fin du contrat de travail et la sortie du capital de la société. En effet, les cadres dirigeants détiennent souvent une partie du capital de la société qui les emploie. Ils sont de ce fait souvent liés par un pacte d’associé.
La cessation du contrat de travail et la sortie du capital sont en général gérées de façon simultanée.
Un protocole peut inclure des ajustements fiscaux ou sociaux pour optimiser la répartition des sommes entre indemnités de rupture et prix de cession des titres.
14. Dans quel cas un cadre dirigeant actionnaire avec statut de président de SAS peut-il bénéficier du chômage ?
Les mandataires sociaux (Président SAS en l’espèce) ne sont pas couverts par l’assurance chômage. Ils peuvent l’être -sous conditions -de cumuler un contrat de travail répondant à l’ensemble des exigences du contrat de travail de cadre dirigeant. Dans les faits, il convient notamment de démontrer qu’ils exercent leurs fonctions techniques avec un lien de subordination avec la société.
Dans l’hypothèse d’un cumul mandat social et contrat de travail, il est recommandé de demander dans le cadre d’un rescrit à l’opérateur France Travail de se prononcer sur l’assujettissement à l’assurance chômage.
15. Quels sont les droits d’un cadre dirigeant en cas de licenciement avant l’âge légal de la retraite ?
Un cadre dirigeant peut prétendre aux indemnités légales ou conventionnelles, sous réserve de la validité de son contrat de travail. Une clause contractuelle peut également garantir une indemnité plus avantageuse (bonus…).
Pour l’assurance chômage, il est crucial d’avoir anticiper la question avec le rescrit auprès de France Travail.
Conclusion
Le statut de cadre dirigeant nécessite une grande vigilance juridique, notamment dans la rédaction des contrats et la gestion des départs. Le cumul de fonctions ou de mandats sociaux doit être sécurisé pour garantir les droits sociaux et éviter les contentieux.
Ce sujet a fait l’objet d’un Direct du droit animé par les auteurs de cet article.
A propos de L'auteur
Muriel Bayard
Directrice juridique conseil social et paie
Muriel Bayard accompagne les chef(fe)s d’entreprise de la région Sud-Ouest dans l’agence située à Mont-de-Marsan. Elle intervient en conseil social, droit du travail et dans la gestion de la paie.
Ollivier Parracone
Avocat associé
Olivier est avocat associé en droit des affaires et droit des sociétés au sein d’In Extenso Avocats
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