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Changement de code APE : quelles incidences en matière sociale ?
Date de publication : 29.10.20
Mis sur le devant de la scène par l’épidémie de Covid 19, qui a généré des aides fiscales et sociales réservées à certains secteurs d’activité, les entreprises ont pris conscience de l’importance du code NAF (ou code APE). Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Cette structuration des activités économiques est notamment utilisée pour classifier l’activité économique principale de chaque entreprise, classification ayant alors de nombreuses conséquences pour la vie de l’entreprise dans ses interactions avec l’administration comme avec des tiers privés.
Rappelons en effet que toute entreprise, et chacun de ses établissements, se voit attribuer par l’Insee, lors de son inscription au répertoire SIRENE/SIRET, un code qui caractérise son activité principale (code APE) par référence à la NAF, sur la base des informations sur son activité fournies par le déclarant.
Principales incidences d’un code APE erroné en matière sociale
Un code APE qui n’est pas en cohérence avec l’activité réelle et principale exercée peut avoir des conséquences dans de nombreux domaines, tels que la tarification AT/MP, l’application d’une convention ou d’un accord de branche erroné, le montant de la contribution à l’assurance chômage ou enfin l’accès à certaines aides publiques.
Application d’une tarification AT/MP décorrélée des risques réels de l’activité
La cotisation accident du travail-maladie professionnelle (AT/MP) est une contribution à la charge exclusive des employeurs.
Son taux n’est pas identique d’une entreprise à l’autre, et varie selon, d’une part, son effectif, d’autre part, l’activité principale réellement exercée.
En pratique toutefois, le code APE constitue la première information dont les caisses compétentes disposent pour apprécier l’activité exercée. A défaut d’autre source, c’est donc en général ce code qui est pris en compte pour fixer le taux AT/MP de chaque établissement.
Les taux ainsi déterminés sont en principe notifiés chaque année à chaque employeur par la CARSAT compétente, obligatoirement par voie dématérialisée pour les entreprises d’au moins 10 salariés à compter du 1er janvier 2021 (toutes les entreprises seront concernées au 1er janvier 2022).
Passé le délai de recours (gracieux et/ou contentieux), le taux ainsi notifié devient définitif pour l’année et ne peut en principe pas être remis en cause.
Quels sont les risques ?
Si le code APE retenu par la Carsat ne correspond pas à l’activité principale réelle de l’établissement, le taux de cotisation AT/MP qui lui est attribué est probablement erroné, ce qui, compte-tenu de la variabilité des taux d’un secteur à l’autre, peut avoir des conséquences financières non négligeables.
Que faire ?
- Comparer le taux afférent au code APE retenu par la Carsat et celui afférent à l’activité principale réelle de l’entreprise, afin d’anticiper les conséquences financières d’une éventuelle évolution ;
- Informer la Carsat de l’activité principale exercée. Le faire dès que possible afin que cette information soit prise en compte au plus tôt.
Application d’une convention ou d’un accord de branche erroné
Il est de jurisprudence constante qu’une entreprise ne peut être assujettie à une convention ou un accord collectif (national ou régional) que si elle entre dans la définition du champ professionnel (et territorial) de l’acte.
Il convient donc de comparer le champ d’application professionnel d’un accord collectif avec l’activité réelle principale de l’entreprise pour déterminer si elle est tenue d’appliquer ses dispositions.
Le code APE est bien, selon la jurisprudence, un simple indice de cette activité.
En pratique toutefois, c’est bien souvent sur cette indication que les entreprises se fondent pour déterminer leur rattachement à un ou des textes professionnels.
Dès lors, l’erreur de code NAF aura souvent pour conséquence l’application d’une convention ou d’un accord de branche erroné.
Quels sont les risques ?
- En principe, l’application de l’accord professionnel qui ne résulte pas de l’activité principale réelle de l’entreprise s’apparente à une application volontaire d’un accord collectif, qui a alors la valeur d’usage ou d’engagement unilatéral avec toutes les conséquences que cela implique.
- Par exception, si la divergence entre code NAF et activité principale réelle résulte, non d’une erreur, mais d’une évolution de l’activité de l’entreprise, alors l’accord collectif a bien été d’application obligatoire à une certaine époque et il a été mis en cause, souvent de manière involontaire, au moment où l’activité principale a changé. Cela signifie donc qu’à l’issue de la période de survie inhérente à tout accord collectif mis en cause (12 mois après la fin du préavis) et à défaut de conclusion d’un accord de substitution durant cette période, il a pu générer des avantages individuels au bénéfice des salariés, qui ne peuvent en principe être remis en cause sans leur accord ; si cet accord a continué d’être appliqué après le délai de survie, son maintien s’apparente alors également à une application volontaire d’un accord collectif.
- Dans tous les cas, la convention ou l’accord collectif correspondant à l’activité principale réelle actuelle n’a vraisemblablement jamais été appliqué ; les salariés pourraient alors valablement en solliciter l’application, y compris rétroactivement.
Que faire ?
- Lister les textes collectifs obligatoires en vertu de l’activité réelle principale de l’entreprise
- Recenser les principaux dispositifs (avantages ou obligations) qui en résultent : congés ou primes divers/régimes de protection sociale applicables/ régime de la durée du travail/ maintien conventionnel de salaire, etc.
- Les comparer aux dispositifs actuellement appliqués dans l’entreprise. Cette étape vous permettra d’identifier les principaux risques encourus ou les principaux bénéfices que vous pourriez retirer de leur application.
- Organiser la transition des textes collectifs appliqués à tort vers les textes applicables à titre obligatoire ;
- Evolution correspondante de toutes les éventuelles informations erronées (notamment mention informative dans le contrat de travail sur les textes collectifs applicables, affichage obligatoire des textes conventionnels applicables, mention de la convention de branche sur les bulletins de paie, etc…) ;
- Accompagnement pédagogique de cette évolution auprès des salariés pour éviter au maximum une remise en cause des pratiques antérieures.
A lire : Quelle protection sociale complémentaire pour les salariés en activité partielle ?
Soumission à une contribution majorée/minorée à tort à l’assurance chômage
Rappelons qu’en vertu de ce dispositif de bonus-malus prévu dans le dernier règlement d’assurance chômage, le taux de la contribution employeur à l’assurance chômage de certaines entreprises est susceptible d’être modulé à la hausse ou à la baisse selon que leur taux de séparation moyen dépasse certaines valeurs.
Ce dispositif est cependant limité aux entreprises appartenant à certains secteurs d’activité dont la liste est fixée par les pouvoirs publics.
L’affectation d’une entreprise à l’un de ses secteurs s’effectue en fonction de sa convention collective de rattachement (code IDCC) et de son activité économique principale reflétée par son code APE.
Ce nouveau dispositif doit entrer en vigueur au 1er janvier 2021, et les taux modulés s’appliquer à compter des paies de mars 2021, sous réserve d’un éventuel report dans le contexte sanitaire actuel.
Remise en cause du bénéfice de certaines aides publiques
Comme le fameux article 65 de la loi de finances rectificative pour 2020 n°2020-935 l’a récemment parfaitement illustré, de nombreuses aides publiques en matière sociale ciblent uniquement certains secteurs d’activité.
S’agissant de ce cas particulier, l’appartenance à l’un des secteurs considérés comme éligibles (et fixés dans des listes réglementaires reprenant strictement des libellés de code NAF) permet à certaines conditions de bénéficier d’exonérations et d’aides au paiement des charges.
Si, en principe, c’est l’activité principale réelle qui doit guider le rattachement des entreprises à ces secteurs d’activité, là encore, en pratique, le code NAF servira naturellement de guide pour les inclure ou les exclure de ces dispositifs.
Plus grave encore, c’est probablement encore ce code NAF qui servira plus tard aux contrôleurs URSSAF comme premier indice pour déterminer si les entreprises pouvaient légitimement solliciter ces aides publiques…
De ce point de vue, à la fois pour déterminer facilement l’éligibilité d’une entreprise à ces aides et pour éviter une discussion inutile avec l’URSSAF en cas de contrôle a posteriori, il est critique que le code APE de l’entreprise corresponde bien à son activité principale réelle.
Comment y remédier ?
Il convient avant toute chose de comprendre la raison pour laquelle le code NAF attribué ne correspond pas à l’activité de l’entreprise.
Pour attribuer un code NAF à une entreprise, ou à un établissement, l’INSEE se fonde sur l’activité principale qui a été déclarée lors de la formalité de constitution ou de modification auprès du Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
Schématiquement, il peut donc y avoir deux situations :
- Soit l’activité principale déclarée au RCS est conforme à celle réellement exercée par l’entreprise :
Dans ce cas l’INSEE a mal évalué la situation et il suffit de remplir puis de transmettre à la direction régionale de l’INSEE qui gère votre dossier un formulaire de demande de révision du code APE.
Attention, il existe deux modèles de ce formulaire, un pour les entreprises et un pour les associations.
N’hésitez pas à consulter la notice de ce document, vous y trouverez plusieurs conseils utiles : ne déclarez pas d’activité floue, n’indiquez pas le code APE que vous souhaitez et ne recopiez pas non plus le libellé correspondant à ce code.
- Soit l’activité principale déclarée au RCS n’est pas conforme à celle réellement exercée par l’entreprise :
Dans ce cas, l’INSEE a bien évalué la situation, mais en se basant sur des éléments déclarés au RCS qui sont erronés. La situation est donc plus compliquée car il conviendra de les corriger en respectant un formalisme plus lourd.
Soyez vigilants, un mauvais code APE peut être révélateur de problématiques plus complexes : l’objet social de votre société est-il correctement rédigé ? L’activité que vous exercez est-elle réglementée et disposez-vous des autorisations nécessaires ? Votre bail commercial vous permet-il d’exercer cette activité ?
Après avoir vérifié ces points, et les avoir traités le cas échéant, il conviendra d’effectuer une déclaration modificative auprès du Greffe du Tribunal de Commerce, soit en vous adressant au Centre de Formalités des Entreprises, soit en réalisant la formalité en ligne, sur Infogreffe.fr ou sur le futur Guichet Unique électronique, instauré par la loi PACTE.
Enfin, pensez-y, le code APE a également des conséquences autres que sociales, notamment s’agissant de votre assurance ou de l’adhésion à certains organismes (CNTR pour les tickets restaurant par exemple) ou fédérations professionnelles.
A propos de L'auteur
Amélie Leport
Juriste conseil social
Amélie est manager en conseil social au sein d’In Extenso, elle travaille depuis 12 ans dans le domaine du droit du travail et de la protection sociale. Elle a exercé ces spécialités à la fois en entreprise et en tant qu’avocate.
Till Jouaux
Référent juridique national
Till est Responsable Juridique National au sein du groupe In Extenso. Il a pour mission d’animer le métier juridique auquel participent près de 400 collaborateurs dans toute la France. Depuis 2022 il co-anime le groupe de travail fiscalité internationale d’ETL Global, un réseau de professionnels spécialisés dans la comptabilité, le droit et la fiscalité présent dans plus de 50 pays.
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Amélie Leport
Juriste conseil social
Amélie est manager en conseil social au sein d’In Extenso, elle travaille depuis 12 ans dans le domaine du droit du travail et de la protection sociale. Elle a exercé ces spécialités à la fois en entreprise et en tant qu’avocate.
Till Jouaux
Référent juridique national
Till est Responsable Juridique National au sein du groupe In Extenso. Il a pour mission d’animer le métier juridique auquel participent près de 400 collaborateurs dans toute la France. Depuis 2022 il co-anime le groupe de travail fiscalité internationale d’ETL Global, un réseau de professionnels spécialisés dans la comptabilité, le droit et la fiscalité présent dans plus de 50 pays.
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