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Conduite du changement, développer les compétences et piloter le projet
Date de publication : 29.06.22
Dans les précédents articles (« conduite du changement, de quoi parle-t-on ? », « conduite du changement : les paramètres du projet » et « Conduite du changement, déployer et communiquer autour du projet ») nous avons vu pourquoi le changement était toujours un stress pour les collaborateurs. Ceci nous a amené à mettre en évidence pourquoi il était nécessaire de comprendre l’environnement dans lequel se déroule le projet pour définir la meilleure organisation, la stratégie la plus adaptée et la communication la plus efficace pour maximiser les chances de réussir sa mise en œuvre.
Dans ce dernier « épisode », nous allons présenter la façon dont il convient de renforcer la qualité de la conduite du changement en s’appuyant sur la monté en compétences des collaborateurs mais aussi en rassurant les équipes sur la maîtrise de l’avancée du projet.
Développement des compétences métiers et outils
« Une évaluation imparfaite des conséquences du changement peut entrainer des actions de formation insuffisantes ou inadaptée et amoindrir les chances de réussite du projet. »
L’appréciation de l’ampleur du changement, réalisée dans la phase de définition de l’environnement projet, nous a permis de comprendre si les évolutions demandées aux utilisateurs se limitaient à des évolutions exclusivement techniques ou allaient également toucher les processus métiers et donc probablement la répartition des activités entre les acteurs. Cette différence d’ampleur dans le changement implique que le développement de compétences doit accompagner les collaborateurs sur deux axes distincts :
- Accompagnement à l’acquisition des compétences techniques nécessaires à une bonne utilisation de l’outil,
- Accompagnement à l’acquisition des compétences métiers ou comportementales nécessaires à l’adaptation aux nouveaux processus ou à la nouvelle organisation
Formaliser la nature du changement.
La nature du changement pour les collaborateurs s’inscrit sur une échelle de 4 niveaux du moins impactant au plus impactant :
- Modification des outils liés au poste de travail
- N1 + révision des processus intra-activités
- N2 + révision des processus intra-métiers
- N3 + révision des processus inter-métiers
Dans cette progression, on constate le passage d’un changement qui se limite au poste de travail et à l’environnement immédiat de l’utilisateur pour aller jusqu’à un changement qui concerne évidemment le poste de travail mais aussi la façon dont l’activité est réalisée, ses interactions avec ses collègues immédiats, l’ensemble de la structure voire des partenaires extérieurs.
La progression dans l’ampleur du changement entraine en parallèle une progression dans la remise en question du poste et de son contenu. Si la remise en cause du seul poste de travail ne présente en général qu’un risque limité pour le collaborateur, une remise en question majeure du poste et de l’activité de la personne peut générer chez celle-ci la peur du déclassement ou de l’incapacité à s’adapter. Dès lors, il est évident que plus la remise en cause sera importante, plus la conduite du changement sera clé et en particulier l’identification des besoins de formation qui pourront aller jusqu’à accompagner la personne dans le repositionnement de son activité au sein de la nouvelle organisation de l’entreprise.
Car il ne faut pas perdre de vue qu’un projet n’est pas réussi parce qu’il se termine dans les délais en respectant le budget. Un projet est considéré comme réussi s’il apporte in fine à la structure ce pour quoi il a été initié. Et cela dépend largement de l’effort de formation qui sera réalisé une fois le projet mis en œuvre. Or il est souvent constaté que les structures font les efforts nécessaires lors de la phase de mise en œuvre du projet mais négligent la mise en œuvre d’un plan de formation réellement adapté aux besoins des collaborateurs.
Pour adapter un plan de formation aux besoins des collaborateurs, il est indispensable de prendre en compte l’ensemble des impacts du projet et ne pas limiter les actions de formations liées à l’activité propre des collaborateurs concernés. Si le changement est d’ampleur, l’utilisateur doit pouvoir se situer dans les nouveaux processus, savoir à qui s’adresser en cas de difficultés, le niveau d’exigence attendu à présent par les interlocuteurs dont il dépend, le niveau d’exigence qu’il est en droit d’avoir vis-à-vis de ceux qui l’alimentent.
L’évaluation précise de tous ces impacts est le point de départ indispensable à ce travail de définition d’un plan de formation efficient. Limiter a priori la formation sur un projet à la seule dimension technique de celui-ci est souvent un facteur d’échec lors de la mise en production de l’outil.
Définir le plan de formation
La définition du plan de formation s’articule autour de 4 phases :
Le périmètre de formation
Identifier les populations à intégrer au processus. Pour chacune des populations concernées, les thèmes à aborder ainsi que la nature des supports sont définis. Avec le développement du télétravail et des réunions en ligne, de nouveaux supports de formation se sont imposés. Cela va du webinaire en ligne accessible à volonté à des sessions vidéo ou un mix des deux. Par ailleurs, selon la nature du projet, il peut être nécessaire d’envisager la formation de partenaires externes comme des fournisseurs par exemple. Cela peut paraître contrintuitif, mais l’identification des personnes à former dans le cadre du projet n’est pas aussi évidente que cela.
Groupes et techniques de formation
La définition des groupes se fera évidemment en fonction de l’impact du changement sur l’activité des uns et des autres. Il est évident que l’impact du projet n’est pas homogène. Pour certains c’est un vrai bouleversement, pour d’autres une simple adaptation. Si pour cette dernière catégorie, il peut être possible de ne prévoir que des techniques de formation à distance, d’autant que le contenu de la formation en elle-même sera probablement moins riche, il est probable que les populations les plus impactées nécessiteront des formations en présentiel permettant une manipulation en condition réelle de l’outil. Attention sur ce dernier point, ce n’est pas parce que l’on est expert dans un domaine que l’on est pédagogue. Les équipes qui délivrent la formation doivent avoir été évaluées et leur capacité à former validée.
Contenu des différents modules
Il est logique de penser que le contenu des modules sera directement corrélé à l’ampleur de l’impact du changement sur le travail des personnes concernées. Plus l’impact sera important, plus le module devra couvrir de cas fonctionnels différents et donc présenter un contenu riche. Pour traiter les personnes les plus impactées, des « cas utilisateur » doivent être définis et testés au préalable. Le contenu de ces tests doit bien évidemment être le plus proche possible de situations d’utilisation réelles. C’est la raison pour laquelle il est souvent recommandé d’intégrer dans l’équipe de formation des utilisateurs finaux qui garantiront la pertinence « métier » des scénarii proposés. Ne pas oublier également que chaque module devra être évalué par les personnes formées de façon à corriger les défauts ou manquements qui n’auraient pas été identifiés avant leur déploiement. Enfin, il faudra mette en place un contrôle des acquis pour s’assurer que les populations formées sont bien montées en compétence et pourront donc mettre en œuvre le changement comme attendu.
La planification
Cette étape est tout sauf une formalité. Les actions de formation doivent être intégrées dans le rétroplanning du projet pour s’assurer qu’elles pourront se dérouler normalement et que le temps de formation ne viendra interférer avec une période de forte activité susceptible de générer un absentéisme important. Absentéisme, aussi pénalisant soit-il, qu’il serait malvenu de sanctionner tant il est vrai que ce n’est pas de la responsabilité du formé d’arbitrer entre sa formation et son travail. C’est la raison pour laquelle le suivi du planning du projet doit intégrer cette phase de formation pour alerter en cas de dérapage si la nouvelle date de mise en œuvre est positionnée sur une période de haute activité.
Ce point est important car plus la formation sera importante et complexe, plus son déroulement sera sujet à des aléas et à des adaptations. Or les formations dont on parle ici sortent du catalogue des formations proposées habituellement par l’entreprise. Il sera donc nécessaire de constituer une Task Force capable de gérer au fil de l’eau les aléas d’une telle démarche et ceci avant le lancement du processus de formation proprement dit.
La gestion du projet
« Un « Sponsor projet » est une personne (habituellement d’un haut niveau hiérarchique) qui « porte la flamme » du projet. »
Organiser le pilotage
La réussite de la conduite du changement dépend également de la façon dont le projet est administré, suivi, piloté. Or, le pilotage d’un projet, a fortiori d’un projet d’envergure, nécessite la mise en œuvre d’une organisation spécifique qui assure le suivi de l’évolution du projet et donc son pilotage. L’organisation type d’un projet d’ampleur est représentée par le schéma ci-dessous
Chaque groupe de travail traite d’une thématique précise, le sujet du SI, de par sa technicité et son impact plus global étant suivi de manière spécifique. Par ailleurs, il existe des thématiques transverses qui concernent par défaut l’ensemble des groupes de travail :
- L’adaptation des processus
- L’adaptation des référentiels
- L’assistance à maîtrise d’ouvrage qui assure la connexion avec le SI
- La gestion de la conduite du changement
Le comité de pilotage est l’instance qui suit l’évolution, effectue les arbitrages qui lui sont remontés par les différents groupes de travail et décide du Go final. De fait, il est souvent présidé par la direction générale ou tout du moins un niveau hiérarchique à même de prendre les décisions attendues. Cette instance se réunit régulièrement, mensuellement voire trimestriellement. Ce rythme n’est le plus souvent pas compatible avec les besoins de pilotage d’un projet. C’est la raison pour laquelle existe souvent une cellule de coordination qui suit plus régulièrement les différents chantiers et peut solliciter, si elle le considère nécessaire, une réunion hors planning du comité de pilotage. Cette organisation est nécessairement adaptée à l’ampleur du projet.
A côté de la gestion opérationnelle du projet, il existe une autre notion toute aussi importante, celle de « Sponsor » du projet. Un « Sponsor projet » est une personne (habituellement d’un haut niveau hiérarchique) qui « porte la flamme » du projet.
Son rôle, s’il n’est pas toujours indispensable, est de s’engager à supporter le projet en s’assurant que celui-ci dispose des moyens nécessaires à son succès. Le niveau hiérarchique du Sponsor dépend en partie de l’impact que le projet aura sur l’organisation. Plus celui-ci est important et général à la structure, plus le niveau du sponsor doit être élevé.
Enfin, le suivi et le pilotage des projets en général et la conduite du changement en particulier sont des pratiques qui certes appliquent des principes généraux mais surtout s’enrichissent de l’expérience acquise. Il est donc très important qu’une structure évalue ses projets et ce selon deux axes : d’une part sur la qualité du processus de mise en œuvre et d’autre part que la qualité du produit fini.
On peut considérer que la première évaluation s’attache à mesurer le niveau de satisfaction concernant le déroulement du projet, la seconde mesure elle le niveau de satisfaction vis-à-vis de ce qui a été mis en place in fine. Dans le premier cas, il est important de questionner l’équipe projet mais aussi les utilisateurs. En effet, un projet dont le processus de mise en œuvre aura été mal ressenti par les futurs utilisateurs démarrera avec un a priori négatif de leur part ce qui peut rendre son acceptation plus difficile ou plus longue.
Mesurer l’avancement
« Pour éviter les bruits de couloir et les désinformations, il est indispensable d’informer régulièrement la structure de l’avancement du projet. »
Enfin, pour éviter l’effet tunnel évoqué dans l’article précédent et les bruits de couloir qu’il peut engendrer, il est indispensable d’informer régulièrement la structure de l’avancement du projet et des effets positifs de la démarche de conduite du changement mise en œuvre. Plus le projet est important, plus cette information régulière est nécessaire.
Les notions à présenter sont relativement simples :
- Rapport entre taux d’avancement (partie effectivement réalisée du projet) et le temps consommé par rapport au calendrier initial :
- Taux d’avancement : 0,7 (en fonction des jalons franchis)
- Temps consommé : 0,6 (en fonction du temps restant avant la date de fin prévue)
- Rapport : 0,7/0,6 = 1,16 : Le projet est en avance sur le planning
- Maîtrise du budget (approche similaire) :
- Taux d’avancement / Taux de consommation budgétaire.
- Si >1, le projet consomme à date moins que budgété
- Maitrise de la date de fin du projet annoncée
- Impacts éventuels de ce niveau de maîtrise sur les évolutions qui ont été annoncées aux différentes personnes concernées.
La notion de Jalon
Le « jalon » est un moment clé du projet qui produit un résultat intermédiaire et contrôlable. Cela peut être la version finale d’un cahier des charges par exemple.
La différence entre le jalon et tâche, c’est la simplicité : un jalon est franchi ou pas.
Trois autres avantages à l’utilisation de la notion de jalon :
- Lors du lancement du projet, elle permet une structuration simple de celui-ci autour de moments clés compréhensibles par tous,
- La présentation du projet aux salariés est plus aisée que si on s’appuyait uniquement sur la notion de tâches, plus nombreuses et plus complexes,
- L’actualisation du planning se limite à valider le franchissement du jalon ou alors à replanifier sa date de passage.
L’autre avantage de cette notion est la simplicité avec laquelle l’information peut être restituée. En utilisant un diagramme [Date / Date], il est très aisé de visualiser où en est le projet et s’il est nécessaire de re planifier sa date de fin :
- l’axe horizontal représente le calendrier des mises à jour du planning prévisionnel,
- l’axe vertical représente le calendrier du projet ou échéancier des jalons. C’est sur cet axe que sont positionnées les dates prévues des différents jalons du projet telles que calculées lors de chaque mise à jour du planning.
Exemple :
Le diagramme se lit de la façon suivante :
En Août 2021, les dates des 4 jalons principaux sont le 1er septembre, le 1er novembre, le 1er Janvier 2021 et le dernier le 1er mars 2022.
Lors de la révision d’octobre 2021, il apparaît que le jalon n°1 a pris beaucoup de retard. Par contre, on constate qu’il est prévu que ce retard soit en partie « amorti » par les jalons suivants de sorte que le dernier jalon ne subit pas un décalage si important.
Même phénomène en Décembre 2021, le jalon 1 est franchi, mais le 2 a pris du retard qui est transféré quasiment à l’identique au jalon 3 mais qui est absorbé par le jalon 4 (et donc les tâches associées).
Cette approche permet d’évaluer très tôt :
- Les risques de dérapages du projet,
- Les jalons sur lesquels il va falloir intervenir pour maîtriser ce décalage,
- Les tâches associées,
- Les équipes qui vont donc devoir s’adapter pour gérer ces raccourcissements de délais.
La communication réalisée à partir de cet outil est simple à comprendre, l’impact de chaque dérapage est clairement indentifiable ce qui permet aussi de responsabiliser chaque intervenant sur le respect du planning initial. La qualité de la gestion globale du projet est un élément important de sa réussite ne serait-ce que parce qu’elle permet d’identifier les risques de dérapage ainsi que les moyens de les corriger. Mais cette gestion permet aussi de communiquer sur la façon dont le projet est géré et de rassurer les collaborateurs sur la bonne avancée de celui-ci. Evidemment, si un dérapage significatif est identifié, il est nécessaire de communiquer rapidement sur l’existence de ce dérapage, d’en présenter les causes et les actions qui vont devoir être mises en place pour le corriger au mieux. Ici aussi, l’effet tunnel peut avoir des conséquences très néfastes.
Cet article termine une série de 4 qui présente les aspects clés de la conduite du changement et quelques outils destinés à faciliter cette gestion. Nous avons vu que l’acceptation du changement est en grande partie basée sur la confiance que les collaborateurs ont dans le discours qui leur est présenté. Sans cette capacité à rendre crédible le message transmis, ce que la direction présentera pourra toujours être remis en cause et amener à une situation de blocage.
Dès lors, si le principal objectif est de créer les conditions nécessaires à l’apparition de cette confiance, alors la principale règle à retenir est qu’il vaut toujours mieux présenter les choses le plus tôt, clairement et régulièrement possible aux collaborateurs plutôt que de chercher à limiter l’information et la communication. Ceci est vrai avant le lancement du projet mais tout autant pendant, ce qui impose une organisation et un suivi du déroulement du projet efficaces et précises.
Evidemment, communiquer lorsque les sujets sont stratégiques et doivent dans un premier temps ne pas être divulgués est un exercice périlleux. Pour autant, il est toujours possible de préciser l’ampleur du changement, les impacts sur les équipes et les actions qui seront mises en œuvre pour aider celles-ci à s’adapter. Enfin, l’adaptation n’est pas un processus inné que tout le monde maîtrise naturellement. Il est de la responsabilité du management de créer les conditions et de donner les moyens aux collaborateurs d’être accompagnés dans ces évolutions, psychologiquement et ensuite dans leurs pratiques quotidiennes. La conduite du changement est une discipline à part entière, elle ne s’improvise pas et ne doit pas être considéré comme une partie secondaire du projet.
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