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Confidentialité des comptes annuels: faut-il être transparent ou rester discret?

Date de publication : 24.04.24

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L’obligation de publicité des comptes instaurée initialement pour permettre une plus grande transparence des entreprises à l’égard à la fois de leurs fournisseurs et de leurs clients est souvent considérée comme intrusive à l’excès par certains entrepreneurs les conduisant parfois à ne pas procéder au dépôt de leurs comptes, au risque d’encourir une sanction.

Les articles L.232-21 et suivants du Code de commerce créent une obligation pour les sociétés commerciales de procéder à la publication de leurs comptes dans le mois suivant leur approbation par l’assemblée ordinaire des associé(e)s (ou par décision d’associé(e) unique ou dans les deux mois suivant cette approbation lorsque ce dépôt est effectué par voie électronique. 

Les comptes déposés auprès du greffe (dorénavant via la passerelle du Guichet Unique) font l’objet ensuite d’une diffusion au BODACC (Bulletin Officiel des Annonces Civiles et Commerciales). 

En tant que chef(fe) d’entreprise se pose à vous en effet la légitime question de la transparence des données financières de votre entreprise dans un monde qui met en avant le secret, ou à tout le moins la discrétion, comme source de valeur (à la fois au plan juridique et économique) face à cette obligation légale.

Rappelons en effet, qu’encore à ce jour, le non-dépôt des comptes annuels au greffe par les sociétés qui y sont astreintes constitue à la fois :

  • une obligation civile, tout intéressé pouvant engager la responsabilité de la société et/ou de son dirigeant pour les dommages causés par ce non-dépôt
  • une infraction pénale, s’agissant d’une contravention de cinquième classe pouvant conduire à une amende de 1.500 euros (et 3.000 euros en cas de récidive)

Il est vrai que le montant de l’infraction peu élevé au regard des enjeux de confidentialité et la rareté de leur prononcé a pu conduire certain(e)s chef(fe)s d’entreprises à se détourner de cette obligation légale malgré un durcissement des tribunaux depuis quelques années.

L’ordonnance du 30 janvier 2014, puis l’article 213 de la loi Macron du 6 août 2015 et enfin la loi PACTE du 22 mai 2019 ont entendu ménager le nécessaire besoin de confidentialité de certaines entreprises et l’objectif public de transparence de la vie économique en instaurant une option possible pour certaines entreprises pour rendre confidentiels leurs comptes sociaux.

Confidentialité des comptes annuels : une option ouverte au chef(fe) d’entreprise?

Les sociétés commerciales ayant la nature de micro-entreprises ou de petites entreprises peuvent demander que leurs comptes ne fassent pas l’objet de publicité. Cette option est à votre main en tant que dirigeant(e)s d’entreprises et ne constitue en rien une obligation alors même que les critères seraient réunis pour en bénéficier.

Cette option doit être formulée à l’occasion du dépôt des comptes et nécessite un formalisme spécifique. Une option écrite et signée sous forme d’une déclaration normée doit être déposée à l’appui. Elle ne peut pas être formulée a posteriori selon les tribunaux. Certains greffes ont pu avant cette décision procéder à des rectifications mais il semble qu’à ce jour, cette pratique ne soit plus envisageable.

Il peut être recommandé parfois de ne pas solliciter cette confidentialité. Par exemple, si vous dirigez une société d’architecture, la confidentialité peut être de nature à empêcher votre entreprise de présenter sa candidature pour des marchés publics. Certaines entreprises du bâtiment peuvent se voir refuser un crédit fournisseur par certaines enseignes de fourniture au motif que leurs comptes ne sont pas accessibles publiquement et ne permettent pas à ladite enseigne de faire leur propre cotation. Il ne s’agit là que d’exemple mais il convient quoi qu’il en soit de toujours analyser l’avantage à tirer de la confidentialité du dépôt des comptes annuels au regard de ses effets et de la nécessaire transparence que vous entendez donner à votre entreprise.

La confidentialité des comptes ne présente par ailleurs pas souvent un grand intérêt contrairement à ce que pensent les chef(fe)s d’entreprise dans le cadre d’un processus de cession. En effet, quel intérêt de rendre confidentielles des informations que l’on va donner par ailleurs en accès libre à un potentiel acquéreur sur signature d’un simple accord de confidentialité? Par ailleurs, le dépôt des comptes auprès du greffe n’impose en rien de faire de son entreprise un livre ouvert pour tous. Tout ne se dépose pas au greffe. La liste des informations à déposer auprès du greffe est suffisamment cadrée par la loi pour qu’il ne soit pas nécessaire d’en donner plus.

A vous en qualité de chef(fe) d’entreprise de déterminer si vous avez intérêt à utiliser cette option ou non, en étant guidé(e) par vos conseils si nécessaire.

Confidentiel : ce qui est secret pour certains ne l’est pas pour d’autres

La confidentialité a juste pour but d’éviter la divulgation des comptes sociaux d’une entreprise au public. Cela ne veut pas dire que les informations contenues dans ces comptes ne sont pas révélables par ailleurs.

Tout d’abord cette confidentialité des comptes n’est pas opposable à certains organismes tels que la Banque de France, les autorités judiciaires et administratives et aux sociétés qui financent ou investissent directement ou indirectement dans les entreprises ou fournissent des prestations au bénéfice des sociétés qui réclament la confidentialité de leurs comptes (agence de notation de crédit, conseillers en investissements participatifs, établissements de paiement, intermédiaires en opération de banque et services de paiements, sociétés spécialisées en information de solvabilité et de prévention de défaillance…).

Le greffe du Tribunal de commerce en a par ailleurs connaissance lors du dépôt avec demande de confidentialité.

Par ailleurs, les comptes sociaux demeurent toujours accessibles aux associés, dirigeants sociaux, tiers habilités à en connaître et conseils. Si bien sûr les personnes ayant à connaître des comptes sociaux d’une entreprise peuvent être visés par une obligation de confidentialité (avocat, expert-comptable, notaire…), certaines personnes ne sont visées que par une simple discrétion légitime au mieux.

Qu’en est-il pour les entreprises qui ne sont pas des micro-entreprises ?

Le niveau de confidentialité dont vous pouvez bénéficier dépend de critères fixés par la loi.

Les micro-entreprises peuvent rendre confidentiels l’intégralité de leurs comptes annuels (bilan et compte de résultat) alors que les petites entreprises, quant à elle, ne peuvent rendre que leur compte de résultat confidentiel (leur bilan restant public).

Attention néanmoins, la notion de micro-entreprise ne doit pas être confondue avec le terme de micro-entreprise (antérieurement auto-entreprise) qui définit une entreprise individuelle soumise à un régime fiscal et social simplifié.

La micro-entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas deux des trois seuils suivants lors du dernier exercice comptable clos (rapporté le cas échéant à douze mois) :
Total de bilan : 450.000 euros
Chiffre d’affaires : 900.000 euros
Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice : 10
Une petite entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas deux des trois seuils suivants lors du dernier exercice comptable clos (rapporté le cas échéant à douze mois) :
Total de bilan : 7.500.000 euros
Chiffre d’affaires : 15.000.000 euros
Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice : 50

Ces seuils s’analysent à chaque clôture et une société ne demeure pas à vie dans une catégorie. Cela peut expliquer que pour un exercice votre société bénéficie ou non de la confidentialité de ses comptes sociaux lors du dépôt, ou d’une confidentialité partielle. Par ailleurs, attention ces seuils peuvent être amenés à changer (c’est par exemple le cas pour les comptes clos à compter du 01/01/2024).

Certaines entreprises sont exclues du mécanisme

Certaines entreprises bien que pouvant répondre à la qualification de micro-entreprises ou de petites entreprises (ou de moyennes entreprises – voir ci-après) ne peuvent pas bénéficier de la confidentialité pour autant car sont exclues expressément par la loi.

Micro-entreprises exclues du mécanisme

Il convient en effet de rappeler que bien que répondant aux critères de seuil, certaines micro-entreprises ne peuvent pas bénéficier de la confidentialité pour leurs comptes annuels. Cela vise notamment :

  • certains établissements de crédit et sociétés de financement ;
  • certaines entreprises d’assurance et de réassurance, certains organismes de sécurité sociale, certaines institutions de prévoyance et leurs unions ;
  • les personnes et entités dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;
  • les personnes et entités qui font appel à la générosité publique au sens de la loi n° 91-772 du 7 août 1991;
  • les entreprises dont l’activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières.

Petites entreprises exclues du mécanisme 

En outre, les entreprises suivantes, même lorsqu’elles répondent à la définition des petites entreprises, ne peuvent déclarer confidentiel leur compte de résultat, notamment :

  • certains établissements de crédit et sociétés de financement;
  • certaines entreprises d’assurance et de réassurance, certains organismes de sécurité sociale, certaines institutions de prévoyance et leurs unions;
  • les personnes et entités dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;
  • les personnes et entités qui font appel à la générosité publique au sens de la loi n° 91-772 du 7 août 1991;
  • les sociétés appartenant à un groupe au sens de l’article L.233-16 du code de commerce.

Attention : toutes les sociétés holdings ne sont pas nécessairement exclues du dispositif…

Une société holding est une société qui a une détention dans une ou plusieurs sociétés (filiales). Ces titres peuvent être de participation ou non (selon la qualification qu’on peut y donner en droit fiscal ou en droit des sociétés, cette notion pouvant varier par ailleurs). Cette détention constitue en réalité une simple activité patrimoniale et civile au plan juridique dès lors que la société holding a, à l’égard de ces participations, un rôle passif.

En revanche, certaines sociétés holding ont un rôle actif sur leurs filiales, que ce soit sous la forme d’un mandat social ou d’une gestion active de leur participation.

Les holdings pouvant prétendre au régime des micro-entreprises, car en respectant les seuils, ne peuvent bénéficier de la confidentialité qu’à la condition qu’elles n’aient pas une activité de gestion de ces titres de participation. Dès lors une holding passive pourrait tout à fait bénéficier de la confidentialité de ses comptes selon un avis du Comité de Coordination du Registre du Commerce et des Sociétés (CCRCS 2019-011 du 19 décembre 2019). Selon ce Comité la simple détention de titres de filiales ou de participation ne constitue pas en soit une activité de gestion de ces mêmes titres en tant que telle. Il conviendra donc de déterminer au cas par cas si le rôle de la société holding peut s’analyser ou non en une gestion des titres détenus à son actif.

En revanche, pour les holdings répondant à la définition des petites entreprises, la participation à un groupe au sens de l’article L. 233-16 du Code de commerce exclut la société en question du bénéfice de la confidentialité (de même qu’une filiale appartenant au même groupe). Cela vise le cas où cette société exerce un contrôle sur la filiale en question (contrôle exclusif par exemple en détenant la majorité des droits de vote ; contrôle conjoint du fait d’un partage de contrôle avec un nombre limité d’associé).

Il convient là encore d’être vigilant et de faire une analyse au cas par cas en présence de société participant à un groupe.

La confidentialité pour les Moyennes Entreprises : un avantage limité

Le terme de confidentialité pour les moyennes entreprises peut apparaître un peu trompeur. En effet, les sociétés commerciales répondant à la définition des moyennes entreprises peuvent rendre publique une version simplifiée de leur bilan et de leur annexe depuis le 23 mai 2019.

Certaines entreprises sont par ailleurs exclues de cette possibilité (entreprises d’assurance et de réassurance, établissements de crédit, sociétés de financement, sociétés appartenant à un groupe, entreprises dont l’activité consiste à gérer des titres de participations et de valeurs mobilières…)

Une moyenne entreprise est une entreprise qui ne dépasse pas deux des trois seuils suivants lors du dernier exercice comptable clos (rapporté le cas échéant à douze mois) :
Total de bilan : 25.000.000 euros
Chiffre d’affaires : 50.000.000 euros
Nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice : 250

Pour conclure sur la confidentialité des comptes annuels

La confidentialité des comptes sociaux est dorénavant un véritable outil de gestion pour le(la) dirigeant(e) afin de gérer au mieux des intérêts de son entreprise le niveau d’information financière et économique qu’il entend diffuser aux tiers, dans les limites autorisées par la loi.

A propos de L'auteur

Pierre Lamant

Directeur Juridique chez In Extenso

Directeur juridique au sein d’In Extenso Sud-Ouest depuis 7 ans et fort d’une expérience en droit des affaires depuis 20 ans, Pierre intervient en tant que conseil juridique en droit des affaires incluant l’organisation juridique, le droit des sociétés, les contrats commerciaux et l’ensemble des problématiques liées aux acquisitions et fusions.

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