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Coût de revient, arbitraire et décision stratégique. Comment m’en sortir ?
Date de publication : 28.10.20
Dans la période actuelle, où chaque euro de marge compte, la détermination du coût de revient d’un produit est un élément encore plus stratégique pour l’entreprise qu’en temps normal ? Dès lors, quelle approche mettre en œuvre pour objectiver ce calcul et sécuriser les décisions stratégiques ?
Coût de revient : définition
Coût de revient : somme des charges supportées par l’entreprise pour produire un produit ou un service. Simple comme définition. Mais c’est une fois que l’on a dit cela que les ennuis commencent.
Lorsque l’on parle de charges, de quoi parle-t-on exactement ?
Il existe 2 caractéristiques qui permettent de définir la nature d’une charge :
- Peut-elle être affectée directement au coût d’un produit ou doit-on effectuer des calculs indirects pour ce faire ?
- Son niveau est-il variable en fonction du niveau d’activité de l’entreprise ou fixe et lié à l’existence de cette dernière en elle-même ?
Les combinaisons des 4 réponses possibles à ces 2 questions donnent 4 types de charges différents :
Exemples :
Les règles d’affectation : clef de voute du processus de calcul du coût de revient
Les règles d’affectation de charges
Une fois la nature des charges déterminée il faut les affecter. Certes mais selon quelle logique ?
La réponse à cette question est cruciale car elle conditionne fortement le résultat du calcul et donc la capacité du produit à dégager une marge, ou pas… Car cette affectation peut être plus ou moins aisée, et donc pertinente, selon la nature des charges concernées :
Facilité d’affectation des charges par nature :
Mais comment savoir si une règle d’affectation est pertinente ou pas ?
Une règle d’affectation doit suivre un principe simple : permet-elle d’affecter logiquement la charge concernée au produit ? Si la réponse est oui, alors la règle a de fortes chances d’être pertinente, sinon…
Par exemple, s’il est possible de déterminer précisément le temps d’utilisation d’une machine pour tel ou tel produit, alors la règle d’affectation suivante :
« Coût de l’électricité consommée x le % de son temps d’utilisation »,
appliquée à un produit donné pour ventiler la charge d’électricité générée par l’utilisation de la machine est pertinente. A contrario, affecter des charges en fonction de m² ou selon le % du CA généré par le produit concerné est une approche qui risque de faire plus de mal que de bien.
Les différentes méthodes comptables de calcul de coûts de revient
Les méthodes de calcul de coûts synthétisent ces approches. Et tout comme il existe plusieurs types de charges, il existe plusieurs méthodes de calcul de coût, les principales étant :
- la méthode des coûts complets,
- la méthode des coûts partiels,
- la méthode ABC (Coût basé sur l’activité).
Les deux premières méthodes abordent chacune le problème selon un axe donné :
- la méthode de coûts complets traite les charges comme directes ou indirectes,
- la méthode des coûts partiels comme fixes ou variables.
Méthode des coûts complets
Après avoir traité les charges directes, cette méthode répartit les charges indirectes en centres d’analyse, principaux et auxiliaires. Les centres principaux sont logiquement liés à l’activité de production (approvisionnement, distribution,…), les auxiliaires ne le sont pas (administration, frais généraux,…). Les charges des centres auxiliaires sont ensuite déversées dans les centres principaux, ces derniers étant ventilés vers les produits. Logique, sauf que plus les règles d’affectation sont « éloignées » de l’acte de production, plus la part d’arbitraire dans le résultat du calcul augmente. Dès lors, s’attacher aux coûts complets accroit le risque de s’appuyer sur des coûts non pertinents.
Méthode des coûts partiels
En dehors de l’approche [Variables-Fixes] qui remplace l’approche [Indirectes-Directes], la différence fondamentale avec la méthode précédente est l’affectation partielle des charges. En effet, les charges fixes communes ne sont pas affectées et doivent être couvertes par les marges que dégageront les produits fabriqués. Ici, seules les charges variables, par définition liées d’une façon ou d’une autre au niveau d’activité, ainsi que les charges fixes spécifiques (ou directes…) sont affectables aux produits fabriqués. Les charges fixes communes restent non affectées.
Méthode ABC
La méthode ABC est une variante des coûts complets qui consiste à déterminer le coût sur la base d’une consommation, par le produit fabriqué, d’activités, elles-mêmes consommatrices de charges. Le coût de ces activités est calculé à l’aide d’« inducteurs », paramètres permettant d’affecter des charges à l’activité concernée (nombre de commandes, nombre de références,…). Cette méthode présente trois avantages :
- Elle oblige à une analyse précise des processus au sein de l’entreprise ce qui permet :
- d’en identifier les éventuelles forces et faiblesses,
- d’intégrer au calcul des actions hors de l’acte de fabrication en lui-même, déterminant ainsi un coût de revient plus précis,
- Elle s’appuie sur une description théorique idéale des activités nécessaires à la fabrication du produit et en détermine ainsi le coût optimal,
- Elle détermine un coût des activités précis car elle y intègre, si nécessaire, des charges de natures différentes.
Mais elle présente également une faiblesse : c’est une méthode de coûts complets. Et tout comme sa grande sœur, elle présente le risque d’utiliser des inducteurs trop éloignés de l’activité de production et donc au final, eux aussi, arbitraires.
A lire : Actualisation des seuils de TVA (franchise en base et régimes réels)
Une méthode de calcul des coûts mixte pour un calcul plus pertinent du coût de revient
Dès lors, quelle pourrait être la solution ? Il semble qu’une approche intéressante pourrait être obtenue en mixant certaines caractéristiques de ces méthodes :
- L’application d’une approche ABC,
- Une affectation partielle des charges, celles pour lesquelles les inducteurs apparaîtraient trop arbitraires étant exclues du périmètre,
A noter que pour éviter de créer d’autres biais, les charges non affectées ne doivent pas, dans l’idéal, représenter une part trop importante de l’ensemble des charges que supporte l’entreprise. Un taux de 15% semble être un maximum.
La logique appliquée par type de charge serait alors la suivante :
Dans cette approche :
- les services de production mais aussi l’administration des ventes, les achats, la logistique, le service commercial par exemple, seraient traités a priori par la méthode ABC,
- Les services comme la DRH, la comptabilité, la direction générale, le marketing resteraient a priori en dehors du périmètre sauf s’il est possible de déterminer un (ou des) inducteur(s) logiquement lié(s) aux produits fabriqués.
Sur la base de ce « coût de revient partiel », le coût de revient de référence du produit serait alors calculé ainsi :
Coût de revient de référence = coût de revient partiel x (1 + taux de charges non affectées)
Reste enfin à déterminer le prix de vente mais ceci sera le sujet d’un autre article.
Le calcul du coût de revient d’un produit est un élément clé de la stratégie de l’entreprise. Plus le calcul est précis et objectif plus les décisions qu’il induira seront légitimes et pertinentes. Entre produire un coût complet mais présentant nécessairement une part d’arbitraire et un coût certes partiel mais objectif, l’entreprise a tout intérêt à se tourner vers la seconde option. Une approche ABC se limitant aux charges qui peuvent logiquement être liées aux produits fabriqués et excluant les charges par trop éloignées de l’acte de production, permet certainement de réduire l’arbitraire du coût de revient et sécurise ainsi la prise de décision stratégique qui peut s’imposer selon le résultat obtenu.
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