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Déclaration des bénéficiaires effectifs : que doit savoir toute entreprise aujourd’hui ?
Date de publication : 24.04.25

Depuis la création du registre des bénéficiaires effectifs, la transparence sur la détention du capital et le contrôle des sociétés est devenue une exigence incontournable pour toutes les structures immatriculées au Registre du Commerce et des Sociétés. Pourtant, de nombreuses entreprises ignorent encore les obligations précises qui leur incombent — ou sous-estiment les conséquences juridiques et financières en cas d’oubli, d’erreur ou d’incohérence dans la déclaration.
Entre évolutions réglementaires, seuils de détention, cas complexes de démembrement ou d’indivision, et sanctions potentielles, cet article fait le point sur tout ce que les dirigeants et juristes doivent savoir pour éviter les mauvaises surprises.
L’ordonnance n°2016-1635 transposant l’article 30 de la directive 2015/849/UE a créé le registre des bénéficiaires effectifs des personnes morales, dans le cadre de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Le décret n° 2017-1094 du 12 juin 2017 est venu préciser les modalités de dépôt et le contenu du document relatif au bénéficiaire effectif instauré par cette ordonnance.
Pourquoi un registre des bénéficiaires effectifs ?
L’objectif principal du registre des bénéficiaires effectifs est de lutter contre la fraude, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
En rendant publiques les informations sur les bénéficiaires effectifs, il devient plus difficile pour les individus mal-intentionnés d’utiliser des structures d’entreprises opaques pour dissimuler leur identité.
Ce registre favorise également la confiance des investisseurs et des consommateurs en garantissant une plus grande transparence dans le monde des affaires.
Cependant si l’intention était louable, force est de constater que la réglementation n’impose à ce jour de ne mentionner qu’une partie des associés, certains demeurent invisibles.
Quelles sont les entreprises concernées ?
Sont concernées par cette obligation de déclaration, toutes les sociétés commerciales, les sociétés civiles, les groupements d’intérêt économique et les associations immatriculées au RCS ainsi que les organismes de placements collectifs, les associations, les fondations, les fonds de dotation ou les fonds de pérennité.
Qu’est-ce-qu’un bénéficiaire effectif ?
L’article R.561-1 du Code monétaire et financier définit ce qu’est un bénéficiaire effectif de la façon suivante : on entend par bénéficiaire effectif, au sens du 1° de l’article L. 561-2-2, la ou les personnes physiques qui soit détiennent, directement ou indirectement, plus de 25 % du capital ou des droits de vote de la société, soit exercent, par tout autre moyen, un pouvoir de contrôle sur la société au sens des 3° et 4° du I de l’article L. 233-3 du code de commerce.
A défaut de détention de plus de 25 % du capital par au moins un associé, le bénéficiaire effectif est le représentant légal de l’entité concernée.
A cet égard pour déterminer si une personne est un bénéficiaire effectif, il y a lieu non seulement de déterminer sa participation directe à la fois dans le capital mais également dans le droit de vote (les deux n’allant pas toujours de pair). Il y a lieu de tenir compte par ailleurs des participations détenues par le biais de société interposées (détention indirecte), mais également dans le cadre d’indivision ou dans le cadre d’un démembrement de propriété (nue-propriété ou usufruit) afin de déterminer si une personne dépasse ou non le seuil technique de 25 %.
Les tribunaux de commerce et les tribunaux des affaires économiques ont mis en place une notice permettant de retracer les différents cas de figure et afin d’aider les entreprises à déterminer les bénéficiaires effectifs (à consulter ici).
Faute de pouvoir déterminer au moins un membre détenant plus de 25 %, il conviendra de désigner comme bénéficiaires effectifs les personnes ayant un pouvoir de contrôle sur la société, à savoir les dirigeants (tels que figurant au Kbis, au Registre National des Entreprises, ou à parfaire en cas de pouvoir de contrôle complexe).
Il n’est donc pas toujours aisé de déterminer qui est bénéficiaire effectif au sein d’une entité soumise à cette obligation.
Par ailleurs, de nombreuses opérations peuvent conduire à revoir la déclaration des bénéficiaires effectifs au fil du temps. En effet, la déclaration n’est pas figée mais elle doit correspondre à la situation déclarée par l’entité. De ce fait, notamment les opérations suivantes pourront nécessiter une révision de la déclaration des bénéficiaires effectifs : modification du capital par réduction ou augmentation avec émission ou suppression de titres dès lors que le pourcentage de détention d’un ou plusieurs associés est modifié, modification d’une adresse d’un dirigeant ou associé (ayant la qualité de bénéficiaire effectif au préalable), cession de titres, donation ou succession sur des titres entraînant ou supprimant un démembrement ou une indivision, partage sur des titres indivis, …
Où doit-on déclarer les bénéficiaires effectifs ?
La déclaration des bénéficiaires effectifs doit être effectuée auprès du guichet unique afin d’être déposée au greffe du Tribunal de Commerce dans le ressort duquel la personne morale est immatriculée. Cette formalité est payante. En ce qui concerne les associations, la formalité est gratuite et doit être faite auprès du répertoire national des associations. Un registre dédié aux structures philanthropiques devrait par ailleurs voir le jour.
A chaque modification rendant nécessaire la rectification ou le complément des informations mentionnées dans la déclaration précédente, une nouvelle déclaration doit être déposée dans les trente jours de la réalisation de l’évènement et cette formalité est également payante. Toute nouvelle déclaration doit porter sur l’intégralité des bénéficiaires effectifs (même ceux non modifiés).
Que doit contenir la déclaration des bénéficiaires effectifs ?
Selon l’article R. 561-56 du Code Monétaire et Financier, la déclaration des bénéficiaires effectifs doit contenir :
- la dénomination, la forme juridique, l’adresse du siège et le numéro unique d’identification de la société complété par la mention RCS suivie du nom de la ville où se trouve le greffe auprès duquel elle est immatriculée
- l’identité (nom, nom d’usage, pseudonyme, prénoms), les date et lieu de naissance, la nationalité et l’adresse personnelle des bénéficiaires
- la nature et les modalités du contrôle exercé sur la société, ainsi que l’étendue de ce contrôle et la date à laquelle les intéressés sont devenus bénéficiaires effectifs de la société.
Quelles sanctions en cas de défaut de dépôt ?
Le Président du tribunal de commerce, d’office ou sur requête du procureur de la République ou de toute personne justifiant y avoir intérêt, peut soit enjoindre, au besoin sous astreinte, à une société qui n’y aurait pas procédé, de déclarer ses bénéficiaires effectifs ou de rectifier une déclaration inexacte ou incomplète, soit désigner un mandataire chargé d’accomplir cette formalité
En cas d’inexécution suite à cette injonction, le greffier constate le non-dépôt du document et le président du tribunal statue sur les mesures à prendre ; il procède, s’il y a lieu, à la liquidation de l’astreinte.
Par ailleurs, l’absence de dépôt de la déclaration des bénéficiaires effectifs peut entraîner le rejet de toute autre formalité, même lorsqu’elle n’est pas directement liée aux bénéficiaires effectifs.
De même, le tribunal de commerce peut bloquer une formalité en cas d’incohérence ou de divergence constatée entre les informations figurant dans la déclaration des bénéficiaires effectifs d’une entité et celles présentes dans d’autres documents. Il en est ainsi notamment :
- si l’adresse d’un associé ou dirigeant est différente dans des actes en cours de dépôt avec celle déclarée sur la déclaration de bénéficiaires effectifs
- en cas de divergence d’information entre des déclarations de bénéficiaires effectifs d’entités différentes portant mention d’une même personne mais à des adresses différentes.
Outre ces anomalies qui peuvent perturber le traitement de formalités auprès du guichet unique et qui peuvent nécessiter une correction préalable, la déclaration de bénéficiaires effectifs à jour est régulièrement demandée par les organismes bancaires dans le cadre de leurs diligences KYC (Know Your Customer) préalablement à toute ouverture de compte ou de crédit. Ce faisant, l’absence de déclaration ou les divergences de déclarations peuvent entraîner un blocage de crédit au niveau du volet administratif lors de l’étude par les organismes de garantie ou même en interne dans les services d’étude financement.
Il est donc important d’avoir une attention particulière à cette formalité qui peut sembler anodine.
Les sanctions pénales
Le fait de ne pas déclarer les informations relatives aux bénéficiaires effectifs ou de déclarer des informations inexactes ou incomplètes est puni de six mois d’emprisonnement et de 7 500 € d’amende.
Les personnes auxquelles cette infraction peut être imputée sont, la société elle-même (car l’obligation de dépôt est à sa charge) et le représentant légal, qui accomplit les formalités de publicité « sous sa responsabilité ».
En cas de constitution de la société, la personne chargée d’accomplir les formalités d’immatriculation (associé ou tiers) peut être poursuivie.
Les personnes physiques reconnues coupables de cette infraction s’exposent également à des sanctions complémentaires, telles que l’interdiction de gérer une entreprise et la privation partielle de leurs droits civils et civiques.
Les personnes morales déclarées pénalement responsables encourent, outre une amende de 37. 500 €, les peines mentionnées à l’article 131-37,2° et 131-39 du Code Pénal (sauf l’interdiction d’exercer une activité et la confiscation de la « chose » qui a servi à commettre l’infraction ou qui en est le produit), à savoir :
- Dissolution de la société
- Placement sous surveillance judiciaire pendant maximum 5 ans
- Fermeture définitive ou pour 5 ans maximum, d’un, de plusieurs ou de tous les établissements de la société
- Exclusion des marchés publics définitivement ou pour une durée de 5 ans maximum
- Interdiction définitive ou pour 5 ans maximum de faire une offre au public de titres financiers ou d’entrer en bourse
- Interdiction pour 5 ans maximum d’émettre des chèques ceux qui sont certifiés ou d’utiliser des cartes de paiement
- Affichage de la décision prononcée ou diffusion de celle-ci dans la presse écrite.
Nouveauté 2024 : accessibilité limitée des informations relatives aux bénéficiaires effectifs
Depuis le 31 juillet 2024, L’accès à l’intégralité des informations sur les bénéficiaires effectifs déclarées au Registre du Commerce et des Sociétés est réservé :
- à la société ayant déposé la déclaration, pour les seules informations déclarées
- à certaines autorités (notamment, magistrats de l’ordre judiciaire, agents des douanes ou de l’administration des finances publiques, enquêteurs de l’AMF)
- aux professionnels assujettis aux obligations de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ayant établi une déclaration à cet effet.
L’accès aux informations relatives aux bénéficiaires effectifs est gratuit, quelles que soient les modalités de consultation ou de communication de ces informations. Ces informations sont notamment accessibles sur le site data.inpi.fr.
À propos de L'auteur
Laure Gaborieau
Manager Juridique
Manager juridique forte d’une solide expérience dans le domaine juridique, Laure Gaborieau intervient principalement en droit des sociétés et droit commercial. Elle met son expertise au service des dirigeants pour les accompagner dans leurs démarches juridiques et assurer leur conformité réglementaire.
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