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Les charges locatives du bail commercial : qui paie quoi et comment ?

Date de publication : 07.10.24

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Les charges locatives dans les baux commerciaux correspondent à l’ensemble des frais relatifs au local loué et annexes au loyer principal. La répartition entre bailleur et locataire reste un point clef dans l’équilibre financier du contrat et constitue souvent en pratique un sujet de controverse entre eux, voire de litige. C’est pourquoi, le législateur a souhaité stopper les abus et rétablir l’équilibre entre les parties afin de ne plus faire peser toutes les charges sur les locataires.

Quel est le nouveau cadre légal concernant le bail commercial et les charges associées ?

Avant la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, dite « loi Pinel », aucune disposition légale ne régissait les charges locatives dans les baux commerciaux. Leur répartition relevait de la seule négociation contractuelle entre le bailleur et son locataire lors de la préparation du contrat et, bien sûr, les bailleurs pouvaient avoir tendance à demander à leurs locataires la prise en charge de toutes les charges, taxes, redevances, primes d’assurances et travaux possibles et inimaginables, ce qui engendrait un déséquilibre significatif dans le contrat au détriment du locataire.

Depuis la loi Pinel et son décret d’application du 3 novembre 2014, le législateur est venu encadrer les charges par l’article L145-40-2 du code de commerce et a ainsi permis de renforcer la protection des locataires de baux commerciaux.

Ces dispositions sont-elles obligatoires ?

Les dispositions de la loi Pinel sur les charges locatives sont dites « d’ordre public ». Les Parties, ne peuvent, même en se mettant d’accord sur une autre répartition, y déroger.
Les clauses du contrat de bail commercial qui viendraient à ne pas respecter le caractère impératif de cet article, seraient réputées non écrites (article L145-15 du code de commerce).
En conséquence, pour les baux conclus ou renouvelés à partir du 5 novembre 2014, la répartition des charges entre le bailleur et le locataire n’est plus libre.

Comment sont réparties les charges entre locataire et bailleur ?

L’article R145-35 du code de commerce liste les catégories de charges et leur répartition entre bailleur et locataire.

Certaines charges incombent toujours au bailleur selon la loi :

  • Les dépenses relatives aux grosses réparations relevant de l’article 606 du Code Civil tels que les gros murs, les voûtes, la charpente, la toiture, mais aussi les digues, les murs de soutènement et les clôtures.
  • Les dépenses relatives à la vétusté du bien loué ou à sa mise aux normes, lorsqu’il s’agit de grosses réparations
  • Les impôts, taxes et redevances liés à la propriété des locaux : contribution économique territoriale (comprenant la CFE et la CVAE).
  • Les honoraires de gestion des loyers du bien loué
  • Lorsque le bailleur possède l’immeuble entier : les charges, impôts, taxes, redevances et coût des travaux portant sur des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.

Certaines charges incombant au bailleur par principe peuvent être mises à la charge du locataire si les parties en conviennent :

Il s’agit de certains impôts et taxes qui relèvent en principe du bailleur mais qui peuvent être mis à la charge du locataire si le contrat de bail commercial le prévoit expressément. Si le contrat n’indique rien, ils resteront à la charge du bailleur.

  • La taxe foncière et les taxes additionnelles à celle-ci
  • Les impôts, taxes et redevances liées à l’usage du bien loué
  • Les impôts, taxes et redevances liées à un service telles que la taxe sur les ordures ménagères, la taxe de balayage ou encore la taxe annuelle sur les bureaux en Ile de France.

Une attention particulière doit être portée à la rédaction de ces clauses. Des termes trop généraux (par exemple : « seront à la charge du preneur tous les impôts liés à l’immeuble ») peuvent être considérés comme de nature à rejeter cette prise en charge en cas de litige.

Enfin certaines charges incombent toujours au locataire et ne peuvent être prises en charges par le bailleur :

  • Les services publics de distribution : l’eau, le gaz et l’électricité
  • L’entretien et les réparations courantes tels que la peinture, le sol, le chauffage/climatisation, les compteurs, les sanitaires, les équipements relevant de la copropriété notamment l’ascenseur et l’entretien des parties communes, l’entretien des espaces verts…
  • Les travaux d’embellissement dont le montant excède le coût du remplacement à l’identique.

L’inventaire de charges : une exigence formelle lors de la conclusion du bail

Le bail commercial est tenu de dresser un inventaire précis et limitatif des catégories de charges qui relèvent du locataire et du bailleur. Dans le cas contraire, celles-ci ne pourront pas faire l’objet d’une demande de remboursement par le bailleur sauf impôts, taxes et redevances nouveaux pour lesquels le bailleur doit en informer le locataire en cours de bail.

Il s’agit bien de catégories de charges, impôts, taxes et redevances qui doivent être énumérées et non la liste exhaustive des charges ou impôts qui entrent dans ces catégories. Ce qui implique que, si en cours de bail une charge nouvelle est créée et que celle-ci peut entrer dans une de ces catégories, elle sera à la charge du locataire.

Dans le cas où le local ferait partie d’un ensemble immobilier, le contrat de bail commercial doit indiquer expressément la répartition des charges entre les différents locataires en fonction de la surface que chacun exploite et la quote-part des parties communes correspondant à la surface louée par le locataire. En cours de bail, le bailleur doit informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

La rédaction des clauses du contrat de bail commercial en matière de répartition des charges et de clefs de répartition requière une attention particulière puisqu’elle peut être remise en cause très facilement par le juge.

Par exemple, il a déjà pu être jugé que« l’énumération des catégories de charges à la seule charge du preneur, sans aucune clé de répartition entre les différents locataires de l’immeuble et sans clé explicite de la quote-part du preneur, ne constitue pas un inventaire précis et limitatif au sens de l’article L. 145-40-2 susceptible de permettre au preneur d’avoir une visibilité dès la date de conclusion du bail sur les charges qu’il devra assumer. »

Il est donc impératif de recourir à un conseil pour établir un bail commercial. Le recours à des formulaires types ou des formules préimprimées constitue un risque majeur d’erreur. Cela était déjà le cas avant la loi Pinel.

Une nécessaire transparence du bailleur

Afin d’essayer de prévenir les litiges entre bailleur et locataire, le législateur a imposé une obligation d’information au bailleur, qui se doit :

  • de fournir tous les ans un état récapitulatif des charges, impôts et taxes liés au local loué, incluant un décompte de régularisation, au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi.
  • de fournir à la conclusion du bail et ensuite dans les deux mois à compter de chaque échéance triennale, un état prévisionnel des travaux qu’il envisage de réaliser dans les trois années à venir, assorti d’un budget prévisionnel, ainsi qu’un état récapitulatif des travaux réalisés dans les trois années précédentes, et leur coût.
  • d’informer le locataire du début des travaux 3 mois à l’avance, afin de lui permettre de s’organiser, en détaillant leur potentiel impact financier sur les charges lui incombant.

Pour conclure…

La question des charges locatives est un élément incontournable du bail commercial qui permet d’appréhender au mieux la relation bailleur/locataire en cours d’exécution du contrat. Si la loi est venue encadrer les pratiques abusives que l’on pouvait constater dans certains contrats en répartissant les charges entre les parties, la rédaction des baux commerciaux ne doit pas être négligée pour autant puisqu’aujourd’hui le paiement des charges locatives reste l’une des sources de litige régulière entre le bailleur et le locataire, que ce soit dû à leur nature (problème rédactionnel du contrat) ou à leur montant (qui peut sembler disproportionné).

A propos de L'auteur

Angélique Laurioux

Directrice juridique

Angélique Laurioux est directrice juridique. Elle accompagne ses clients de la région Auvergne Rhône Alpes en droit des affaires.

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