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Le mandat ad hoc: pourquoi, quand et comment y recourir ?

Date de publication : 17.03.25

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Votre entreprise rencontre des difficultés ou vous anticipez des difficultés à venir ? Il existe des mesures de prévention, amiables, confidentielles et utiles pour favoriser le rebond de votre activité : le mandat ad hoc est une solution.

Qu’est-ce que le mandat ad hoc ?

Le mandat ad hoc est une mesure de prévention qui a pour objectif de résoudre ou d’atténuer les difficultés d’une entreprise, avant qu’elle ne soit en état de cessation des paiements. Il s’agit d’une procédure amiable, et non pas judiciaire. Elle est confidentielle, souple et adaptée à différentes natures de difficultés : financières, commerciales ou juridiques. 

Cette procédure permet de rechercher différents effets de leviers pour assurer la pérennité de l’entreprise.

A qui s’adresse-t-il ?

Aucun seuil n’est fixé par la loi, toutes les entreprises peuvent bénéficier de cette procédure, quelle que soit son activité ou sa forme juridique.

La demande d’ouverture d’un mandat ad hoc est uniquement à l’initiative du chef d’entreprise. En revanche, il existe une condition à l’ouverture d’un mandat ad hoc : ne pas se trouver en état de cessation des paiements (1).

Pourquoi faire appel à un mandataire ad hoc et quels sont ses avantages ?

Le mandataire ad hoc a pour objectif d’analyser l’origine des difficultés et d’évaluer les effets de leviers à négocier auprès des partenaires tels que :

  • l’obtention d’un moratoire sur des dettes fiscales et sociales : TVA et cotisations patronales URSSAF notamment ;
  • la sécurisation des financements court terme en évitant la dénonciation des découverts et des billets à ordre, par exemple ;
  • le réaménagement de certains financements en allongeant la maturité de certains emprunts ou en modulant les échéances de crédit-bail ;
  • la renégociation des termes de certains contrats ;
  • l’aménagement des conditions contractuelles avec des fournisseurs stratégiques ;
  • la gestion des conflits internes entre associés ou avec des salariés pour éviter la paralysie de l’entreprise ;
  • la préparation de la cession partielle ou totale, de manière confidentielle et sécurisée pour le dirigeant et le repreneur : anticiper le « prepack cession » (2) ;
  • etc.

La durée et le périmètre du mandat ad hoc sont librement définis, ce qui permet une grande souplesse dans sa mise en œuvre. Le fait de désigner un professionnel indépendant, le mandataire ad hoc, incite les personnes conviées à participer aux réunions et à négocier sur la base d’éléments objectivés.

Il n’y a pas d’information obligatoire du CSE au moment de la désignation du mandataire ad hoc, aucun délit d’entrave ne pourra donc être retenu.

Toute personne qui est appelée à la procédure ou qui, par ses fonctions, en a connaissance est tenue à la confidentialité. Cette procédure se déroule également en toute confidentialité : elle ne fait l’objet d’aucune publicité.

Les principales limites du mandat ad hoc

  • Le mandat ad hoc étant une procédure amiable, la résolution des difficultés doit donc être négociée car aucun participant n’a l’obligation d’y participer ou de consentir des efforts. De plus, aucune décision ne peut être imposée aux parties prenantes, que ce soit le mandataire ad hoc ou le juge. Il s’agit des mêmes inconvénients que pour la procédure de conciliation (3), contrairement à la procédure de sauvegarde (4).
  • L’accord obtenu peut être constaté par le Tribunal. En revanche, il procure moins d’avantages qu’un accord homologué dans le cadre d’une procédure de conciliation (notamment le privilège de new money (5)).
  • L’entreprise ne doit pas être en état de cessation des paiements, contrairement à la conciliation qui le permet si cet état existe depuis moins de 45 jours.
  • Les efforts consentis par les partenaires financiers sont échelonnés sur des durées plus courtes que la sauvegarde, qui permet un plan sur 10 ans.
  • Le ministère public et le commissaire aux comptes, soumis au secret professionnel, en sont informés.
  • La procédure amiable n’emporte pas la suspension générale des poursuites des créanciers, mais des mesures individuelles peuvent être mises en œuvre et il existe certains usages de « place » durant la négociation.

Comment se déroule la procédure ?

Étape 1 : la saisie du Président du Tribunal à l’initiative du chef d’entreprise

Le chef d’entreprise demande la désignation du mandataire par le biais d’une requête motivée au Président du Tribunal.

Le tribunal compétent dépend de la nature de l’activité :

  • Dans le cadre d’une activité commerciale ou artisanale, il faut s’adresser au Tribunal de Commerce
  • Dans les autres cas (agriculteurs, sociétés ou groupements civils, associations, professions libérales…), il faut s’adresser au Tribunal Judiciaire.

Le modèle de requête à remplir est disponible sur le site du Greffe. Une fois écrite en précisant les raisons du recours à la procédure de mandat ad hoc, la demande doit être au Greffe du Tribunal du ressort de la société ou de l’entreprise concernée.

Etape 2 : l’entretien avec le Président du Tribunal

Le Président du Tribunal convoque le dirigeant de l’entreprise pour un entretien confidentiel. L’objectif de cette rencontre est de clarifier l’origine des difficultés rencontrées, de discuter des perspectives, de définir la mission du mandataire ad hoc et de s’assurer que la procédure envisagée est bien adaptée à la situation de l’entreprise.

Le dirigeant peut proposer un mandataire ad hoc au Président du Tribunal de commerce, mais celui-ci n’est pas obligé de désigner la personne suggérée.

Étape 3 : L’ordonnance de désignation du mandataire ad hoc du Président du Tribunal

Le Président rend une ordonnance qui désigne le mandataire ad hoc, fixe la durée de la procédure, précise sa rémunération et délimite l’étendue de sa mission.

En règle générale, le Président nomme un professionnel inscrit sur la liste nationale des administrateurs judiciaires pour assurer la fonction de mandataire ad hoc.

Une fois le mandataire désigné, la procédure débute.

Étape 4 : Lancement de la procédure de mandat ad hoc

Le mandataire ad hoc se familiarise avec la situation de l’entreprise en concertation avec le dirigeant, puis invite certains créanciers ou parties intéressées à participer aux discussions.

Lorsque les banques sont invitées, elles désignent leurs représentants, qui sont des spécialistes des procédures de prévention et de restructuration (les « affaires spéciales »). Les négociations ne se feront donc pas avec les conseillers bancaires habituels.

Durée de la procédure et modalités

La procédure de mandat ad hoc dure généralement quelques mois, sans limitation de durée fixée par la loi.

Le dirigeant reste seul responsable de la gestion de l’entreprise pendant toute la procédure. Toutefois, comme la négociation est conduite par le mandataire ad hoc, il est essentiel que le dirigeant fasse preuve de transparence et d’implication avec celui-ci pour maximiser les chances de succès.

Les honoraires du mandataire ad hoc sont librement négociés entre les parties, sans barème légal. Toutefois, la rémunération sera précisée dans l’ordonnance, et c’est le demandeur qui devra en assumer les frais.

Étape 5 : Fin de la procédure

La procédure peut se terminer de plusieurs façons :

  • Par une fin de mission anticipée à la demande du dirigeant.
  • Par l’absence d’accord entre le débiteur et les créanciers.
  • Par la conclusion d’un accord, qui demeure confidentiel.

La procédure de mandat ad hoc peut également être convertie en procédure de conciliation.

Pourquoi ?

En conciliation, lorsque l’accord est conclu, deux possibilités s’offrent :

  1. L’accord est simplement constaté par le Président du Tribunal et reste confidentiel.
  2. L’accord est homologué à la demande du dirigeant, il est alors déposé au greffe et la procédure n’est plus confidentielle (seules les modalités restent secrètes).

L’homologation permet aux créanciers ayant participé à l’accord d’obtenir un privilège de new money, pour ceux ayant apporté des fonds ou des biens/services à l’entreprise. En cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective, ces créanciers seront payés après les salariés et certaines dépenses, et sans délai de paiement.

Entreprises en difficultés : quelques chiffres

Évolution du nombre de procédures de prévention entre 2023 et 2024

Données issues de l’Observatoire des données économiques du CNAJMJ du 13/01/2025

Le nombre de mandats ad hoc augmente de +6,6% par rapport à 2023. L’augmentation globale des procédures de prévention est de +7,3% par rapport à 2023.


(1) État de cessation des paiements : situation dans laquelle l’entreprise est dans l’impossibilité de faire face au passif exigible avec son actif disponible
(2) Le prepack cession consiste à préparer et à sécuriser la cession totale ou partielle de l’entreprise connaissant des difficultés, de manière confidentielle et amiable.
(3) Procédure de conciliation : procédure amiable de prévention des difficultés, confidentielle (qui fera l’objet d’un prochain article).
(4) Sauvegarde : procédure judiciaire de prévention des difficultés, non confidentielle.
(5) Privilège de new money : ce privilège assure une priorité de remboursement aux créanciers en cas d’ouverture ultérieure d’une procédure collective.

À propos de L'auteur

David Bossard

Directeur Marché PME

Expert-comptable spécialisé dans le BTP, l’industrie, les sociétés en difficultés (Restructuring) et la transmission d’entreprises, David Bossard accompagne les dirigeants de PME et PMI dans leur développement, l’amélioration de leur performance et la validation de leurs résultats.

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Emilie Picaud

Juriste

Emilie Picaud intervient en droit des sociétés et droit des affaires au sein des agences de l’Aigle et de Mortagne. Elle accompagne principalement les dirigeants de la région Normandie.

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