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Information des salariés en cas de cession d’entreprise

Date de publication : 18.11.14

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Les articles 19 et 20 de la loi 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, précisés par le décret 2014-1254 du 28 octobre 2014, font obligation aux employeurs d’informer les salariés en cas de projet de cession du fonds de commerce ou de la société. L’objectif poursuivi par le législateur est d’inciter les salariés à se porter acquéreurs de leur outil de travail.

Stanislas Dublineau et Pierre-Jacques Castanet, avocats au sein du cabinet Chemouli Dalin Stoloff & Associés, reviennent sur ce dispositif qu’ils jugent in fine contreproductif.

Quelle est la date d’entrée en vigueur du dispositif ?

La loi Hamon s’applique, en principe, à toute cession d’entreprise intervenue après le 31 octobre 2014. Toutefois, le décret prévoit qu’une cession intervenant à l’issue d’une négociation exclusive organisée par voie contractuelle n’est pas soumise aux exigences d’information préalable des salariés si le contrat de négociation exclusive a été conclu avant le 1er novembre 2014.

Quelles sont les entreprises concernées par l’obligation d’information ?

L’obligation d’information concerne, d’une part, les entreprise qui n’ont pas l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise (entreprises de moins de 50 salariés) et, d’autre part, les entreprises soumises à l’obligation de mettre en place un comité d’entreprise et qui appartiennent à « la catégorie des petites et moyennes entreprises au sens de l’article 51 de la loi 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie », c’est-à-dire les entreprises de moins de 250 salariés et qui réalisent un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros ou dont le total de bilan n’excède pas 43 millions d’euros.

Le guide pratique relatif au droit à l’information diffusé par le Ministère de l’économie le 29 octobre 2014 (disponible sur www. economie.gouv.fr) précise que les critères permettant d’apprécier qu’une entreprise entre ou non dans le périmètre des PME sont cumulatifs et s’apprécient au niveau de l’entreprise, indépendamment de son rattachement éventuel à un groupe.

Tous les salariés doivent-ils être informés du projet de la cession de leur entreprise ?

Tous les « salariés » de l’entreprise doivent être informés, quelle que soit leur situation : arrêt maladie, congé maternité… Les apprentis sont donc également concernés par le dispositif.

Cette notion exclut par conséquent les intérimaires, les personnes travaillant dans l’entreprise dans le cadre d’un stage conventionné ou les demandeurs d’emploi participant à des actions d’évaluation en milieu de travail sous forme de stage, prescrites par Pôle emploi.

Dans quel cas les salariés sont-ils informés ?

L’obligation d’information des salariés s’impose en cas de cession :

  • d’un fonds de commerce ;
  • d’une participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une société à responsabilité limitée (SARL) ;
  • d’actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions (SA).

En revanche, les salariés n’ont pas à être informés lorsque :

  • la cession d’entreprise intervient par succession ou liquidation d’un régime matrimonial ;
  • l’entreprise est cédée à un conjoint, à un ascendant ou à un descendant ;
  • l’entreprise fait l’objet d’une procédure de conciliation, de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire.

Une lecture littérale du dispositif législatif permet de soutenir que l’obligation d’information s’applique exclusivement lorsqu’un cédant (et non « des » cédants) envisage de céder le fonds de commerce qu’il détient ou sa participation représentant plus de 50 % des parts sociales d’une

SARL ou encore des actions ou valeurs mobilières donnant accès à la majorité du capital d’une société par actions.

Telle semble être également l’interprétation du Gouvernement, puisque le guide pratique précise que « la transmission d’un bloc minoritaire à un autre actionnaire lui conférant la majorité du capital ne relève pas de l’obligation d’information des salariés (cas des cessions minoritaires intragroupes) ».

Le guide confirme également que la cession d’entreprise se définit comme « toute opération juridique par laquelle une personne, le cédant, transmet la propriété d’un bien à une autre personne, le cessionnaire ».

Si cette interprétation venait à être confirmée par les juges, les cessions d’une partie minoritaire du capital d’une entreprise n’entreraient pas dans le champ d’application de la loi Hamon. Ne seraient pas non plus concernées les cessions réalisées par plusieurs actionnaires détenant ensemble plus de 50% des parts sociales d’une SARL ou de plusieurs actionnaires minoritaires permettant à l’acquéreur de détenir la majorité du capital d’une société par actions.

Reste néanmoins en suspens la situation de la cession d’entreprise d’une holding capitalistique détenant 100% d’une entreprise. La cession de cette holding emportera-t-elle obligation d’informer uniquement les salariés employés par la holding ou bien l’ensemble du personnel tant de la holding que de l’entreprise filiale ? Une clarification rapide de ce sujet semble nécessaire.

Quel est le contenu de l’information et comment assurer sa confidentialité ?

Le contenu de l’information est finalement assez succinct puisqu’elle doit porter sur la volonté du cédant de procéder à une cession et sur le fait que les salariés peuvent présenter une offre d’achat. La loi n’impose la transmission d’aucune autre information et d’aucun document relatif au fonctionnement, à la compatibilité ou à la stratégie de l’entreprise.

C’est surtout la diffusion de l’information qui pose de nombreuses difficultés et qui est à ce jour dénoncée.

En effet, les salariés sont tenus à une obligation de discrétion s’agissant des informations qu’ils ont reçues, sauf à l’égard des personnes dont le concours est nécessaire pour leur permettre de présenter au cédant une offre de rachat (article L 141-25 du Code du commerce). Le cédant devra le leur rappeler formellement.

Mais, en pratique, rien ne permet d’assurer le respect de cette obligation, et encore moins, d’en sanctionner les manquements. D’autant qu’il sera particulièrement difficile de connaître l’auteur des manquements, surtout lorsque près de 250 salariés auront bénéficié de la même information.

Comment imaginer d’ailleurs que les salariés, près de 2 mois avant la cession de leur entreprise ne souhaitent en parler à leur entourage.

Celui-ci est-il assujetti à la même obligation de discrétion ? Rien n’est moins sûr !

Comment concilier l’information des salariés avec le principe de négociation exclusive consentie à un acheteur potentiel ?

L’une et l’autre sont manifestement indépendants. Le cédant reste libre de choisir s’il souhaite ou non entrer en négociation avec un ou plusieurs salariés. Il reste également, et fort heureusement, libre de fixer le prix de rachat du fonds de commerce ou des parts qu’il détient.

D’ailleurs, le ministère de l’économie estime que : « le cédant n’a aucun obligation à l’égard d’une offre présentée par les salariés (qui ne revêt pas de caractère prioritaire) : le refus du cédant d’étudier ou d’accepter une offre n’a pas à être motivé. Le cédant peut ne pas répondre s’il le souhaite » (Guide pratique).

Il n’en demeure pas moins qu’à notre sens, il serait prudent d’examiner attentivement une offre présentée par un ou plusieurs salariés. Les aspects politiques et médiatiques de telles offres ne doivent en aucun cas être négligés…

A quel moment les salariés sont-ils informés ?

Cela dépend de la taille de l’entreprise et de l’existence ou non de représentants du personnel.

Dans les entreprises de moins de 50 salariés ou dans celles de 50 à 249 salariés non dotées de représentants du personnel, les salariés doivent être informés du projet de cession au moins 2 mois avant la cession, entendue comme la date de transfert effectif de la propriété. Il s’ensuit que les salariés disposent de 2 mois, à compter de cette notification, pour présenter une offre de rachat.

Dans le cas spécifique où le propriétaire du fonds de commerce n’en est pas l’exploitant, l’information est notifiée à l’exploitant et le délai de 2 mois court à compter de cette notification. L’exploitant du fonds porte alors, sans délai, cette notification à la connaissance des salariés.

Ce délai de 2 mois peut être raccourci. En effet, la cession peut intervenir avant l’expiration des 2 mois, si chaque salarié a fait connaître au représentant de l’entreprise sa décision de ne pas présenter d’offre, ce dernier devant, le cas échéant, la retransmettre au cédant. Cette décision doit être explicite et non équivoque.

Dans les PME comprenant entre 50 et 249 salariés et dotées de représentants du personnel, il n’existe pas de délai spécifique. Les salariés doivent avoir connaissance du projet de cession au plus tard en même temps que l’entreprise procède à l’information et à la consultation du comité d’entreprise sur ce projet.

Dans les cas spécifiques où le propriétaire du fonds ou le détenteur de parts sociales ou d’actions n’est pas l’exploitant ou le représentant légal de l’entreprise, il informe l’exploitant ou le représentant légal de l’entreprise de sa volonté de céder son fonds ou ses parts. Ce dernier informe ensuite les salariés dans le délai ci-dessus.

Par quels moyens informer les salariés de la prochaine cession d’entreprise ?

Selon le décret du 28 octobre 2014, les moyens d’information sont nombreux. L’information peut en effet être effectuée de la façon suivante :

  • au cours d’une réunion d’information des salariés à l’issue de laquelle ces derniers signent le registre de présence à cette réunion ;
  • par affichage. La date de réception de l’information est celle apposée par le salarié sur un registre accompagnée de sa signature attestant qu’il a pris connaissance de cet affichage ;
  • par courrier électronique, à la condition que la date de réception puisse être certifiée ;
  • par remise en main propre, contre émargement ou récépissé, d’un document écrit mentionnant les informations requises ;
  • par lettre recommandée avec demande d’avis de réception. La date de réception est celle qui est apposée par l’administration des postes lors de la remise de la lettre à son destinataire ;
  • par acte extrajudiciaire (huissier…) ;
  • par tout autre moyen de nature à rendre certaine la date de réception.

Selon le guide pratique, dans le cas où le salarié ne viendrait pas retirer la lettre recommandée ou s’il la refuse, l’employeur devra alors recourir à une autre méthode pour assurer la réception de l’information (par exemple, remise en main propre ou acte d’huissier).

Le défaut d’information est-il sanctionné ?

Oui et lourdement. En effet, une cession d’entreprise intervenue sans information préalable du personnel peut être annulée à la demande de tout salarié.

Toutefois, le salarié doit vite agir en justice, puisque l’action en nullité se prescrit par 2 mois à compter :

  • soit de la date de publication de l’avis de cession du fonds de commerce ;
  • soit de la date de publication de la cession de la participation au capital ou de la date à laquelle tous les salariés en ont été informés.

Existe-t-il des risques de contournement du dispositif ?

On peut le penser. Sa complexité et son champ d’application restreint risquent fort de conduire les acteurs de l’économie à chercher à le contourner, afin notamment de conserver la confidentialité nécessaire dans les projets de cession d’entreprises, fussent-elles simplement des

TPE / PME. Les cessions étalées dans le temps et les holdings capitalistiques pourraient, à ce titre, fleurir dans les prochaines années.

Qui plus est, compte-tenu de la sanction particulièrement lourde qui est prévue, il est à craindre qu’au final, ce dispositif soit détourné de sa finalité initiale : permettre à des salariés d’envisager de formuler une offre de reprise de leur outil de travail…

A propos de L'auteur

Pierre-Jacques Castanet

Avocat à la cour, spécialisé en droit du travail

Pierre-Jacques Castanet dirige le Département droit social du cabinet In Extenso Avocats d’Ile de France. Il est spécialisé en droit du travail et de la protection sociale.

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