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Jurisprudences en droit social : focus sur 3 décisions importantes
Date de publication : 09.06.16
1. La faute lourde n’est plus privative de l’indemnité compensatrice de congés payés : Conseil Constitutionnel QPC, 2 mars 2016, n°2015-523
S’agissant de l’indemnité compensatrice de congés payés non pris, due au salarié en cas de rupture de son contrat de travail, l’article L. 3141-26 alinéa 2 du code du travail précisait jusqu’à présent :
« l’indemnité est due dès lors que la rupture du contrat de travail n’a pas été provoqué par la faute lourde du salarié, que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l’employeur ».
Aux termes de ce texte, en cas de rupture de son contrat de travail, le salarié percevait une indemnité compensatrice de congés payés non pris, sauf en cas de licenciement pour faute lourde.
Le Conseil constitutionnel a censuré cette disposition, le 2 mars 2016, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).
Pour le Conseil Constitutionnel, l’article L. 3141-26 du Code du travail est contraire au principe d’égalité devant la loi.
Les Sages ont constaté que cette disposition n’est pas applicable lorsque l’employeur est affilié à une caisse de congés payés. Lorsqu’ils étaient licenciés pour faute lourde, les salariés étaient donc traités différemment en fonction de l’affiliation, ou non, de leur employeur à une caisse de congés payés.
Pour le Conseil constitutionnel, cette différence de traitement est « sans rapport tant avec l’objet de la législation relative aux caisses de congés qu’avec l’objet de la législation relative à la privation de l’indemnité compensatrice de congé payé ».
Le second alinéa de l’article L. 3141-26 est donc abrogé sur ce sujet.
Désormais, les employeurs seront tenus de payer les congés payés même lorsqu’ils licencient un salarié pour faute lourde.
2. Convocation à l’entretien préalable : la mention des griefs n’est pas obligatoire : Cass ; soc., 6 avril 2016, n°14-23.198
Depuis plusieurs années, les praticiens du droit social s’interrogeaient sur l’opportunité de mentionner les griefs retenus à l’encontre d’un salarié dans la convocation à entretien préalable à un éventuel licenciement.
Jusqu’à présent, il n’y avait pas lieu d’informer le salarié avant son entretien des griefs retenus à son encontre il suffisait de lui énoncer l’objet de celui-ci : une éventuelle sanction disciplinaire, un éventuel licenciement (Soc. 19 décembre 2007 n°06-44.592)
Une partie de la doctrine a estimé que les droits à la défense n’étaient pas respectés dans la mesure où le salarié ne pouvait préparer un entretien pouvant avoir de lourdes conséquences sur sa carrière. A l’appui de leur thèse, ces auteurs ont notamment souligné les dispositions de l’article 7 de la Convention n° 158 de l’Organisation Internationale du travail (OIT) qui précise que :
« un travailleur ne devra pas être licencié pour des motifs liés à sa conduite ou à son travail avant qu’on ne lui ait offert la possibilité de se défendre contre les allégations formulées par l’employeur ».
Cette doctrine a récemment reçu un écho favorable auprès de certaines juridictions du fond qui ont condamné des employeurs n’ayant pas mentionné, dans la lettre de convocation, les sujets qui allaient être abordés lors de l’entretien préalable (Voir notamment : CA Paris, pôle 6, chambre 6, 7 mai 2014, n°12/02642 ; Conseil de prud’hommes d’Evreux, 26 mai 2015, n°13/00379…)
Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 avril 2016 pourrait modifier considérablement les futurs conflits prud’homaux.
Aux termes de nombreuses jurisprudences, un manquement de l’employeur à ses obligations légales, était considéré comme causant « nécessairement » un préjudice au salarié. L’indemnisation du salarié était par conséquent « automatique ». Il n’avait pas à prouver le moindre préjudice pour être « indemnisé » forfaitairement.
Un tel principe a été édicté notamment pour la non-indemnisation d’une clause de non-concurrence
(Soc. 12 janvier 2011 n°08-45.280), le non-respect de la procédure de licenciement (Soc. 18 novembre
2009 n°08-41.243), l’absence de mention dans le bulletin de paie de la convention collective applicable
(Soc. 19 mai 2004 n°02-44.671)…
Revirement de jurisprudence, désormais, la Cour de cassation estime que :
« l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ».
La Cour de cassation a ainsi refusé de considérer comme un préjudice « automatique », la remise tardive des bulletins de paie et du certificat de travail. Mais cette décision a une tout autre portée. Elle a vocation à s’appliquer à l’ensemble des situations dans lesquelles les salariés pouvaient prétendre à une indemnisation « automatique ».
Désormais, lorsqu’ils entendent invoquer un manquement de leur employeur, les salariés devront, avant d’être indemnisés, démontrer cumulativement l’existence d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice.
La Cour de cassation revient ainsi à une application plus orthodoxe des règles de la responsabilité civile. Dans un arrêt rendu le 6 avril 2016, la Cour de cassation a clairement censuré ces jurisprudences. La Haute juridiction a considéré que :
« l’énonciation de l’objet de l’entretien dans la lettre de convocation adressée au salarié par un employeur qui veut procéder à son licenciement et la tenue d’un entretien préalable au cours duquel le salarié, qui a la faculté d’être assisté, peut se défendre contre les griefs formulés par son employeur, satisfont à l’exigence de loyauté et du respect des droits du salarié »
En d’autres termes, l’employeur n’est pas tenu d’énoncer les griefs retenus à l’encontre du salarié dans la lettre de convocation qu’il lui adresse.
3. Le défaut de remise ou la remise tardive de bulletins de paie ou du certificat de travail ne cause pas nécessairement un préjudice dont l’existence doit être prouvée par le salarié : Cass. Soc. 13 avril 2016, n°14-28.293
Un arrêt rendu par la Cour de cassation le 13 avril 2016 pourrait modifier considérablement les futurs conflits prud’homaux.
Aux termes de nombreuses jurisprudences, un manquement de l’employeur à ses obligations légales, était considéré comme causant « nécessairement » un préjudice au salarié. L’indemnisation du salarié était par conséquent « automatique ». Il n’avait pas à prouver le moindre préjudice pour être « indemnisé » forfaitairement.
Un tel principe a été édicté notamment pour la non-indemnisation d’une clause de non-concurrence
(Soc. 12 janvier 2011 n°08-45.280), le non-respect de la procédure de licenciement (Soc. 18 novembre
2009 n°08-41.243), l’absence de mention dans le bulletin de paie de la convention collective applicable
(Soc. 19 mai 2004 n°02-44.671)…
Revirement de jurisprudence, désormais, la Cour de cassation estime que :
« l’existence d’un préjudice et l’évaluation de celui-ci relèvent du pouvoir souverain d’appréciation des juges du fond ».
La Cour de cassation a ainsi refusé de considérer comme un préjudice « automatique », la remise tardive des bulletins de paie et du certificat de travail.
Mais cette décision a une tout autre portée.
Elle a vocation à s’appliquer à l’ensemble des situations dans lesquelles les salariés pouvaient prétendre à une indemnisation « automatique ».
Désormais, lorsqu’ils entendent invoquer un manquement de leur employeur, les salariés devront, avant d’être indemnisés, démontrer cumulativement l’existence d’une faute, d’un lien de causalité et d’un préjudice.
La Cour de cassation revient ainsi à une application plus orthodoxe des règles de la responsabilité civile.
A propos de L'auteur
Pierre-Jacques Castanet
Avocat à la cour, spécialisé en droit du travail
Pierre-Jacques Castanet dirige le Département droit social du cabinet In Extenso Avocats d’Ile de France. Il est spécialisé en droit du travail et de la protection sociale.
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Pierre-Jacques Castanet dirige le Département droit social du cabinet In Extenso Avocats d’Ile de France. Il est spécialisé en droit du travail et de la protection sociale.
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